Los Bastardos + Pour un instant, la liberté


DÉSIRS EN EXIL

Los Bastardos (réalisé et écrit par Amat Escalante) et Pour un instant, la liberté (réalisé par Arash T. Riahi)

Hasard du calendrier, le 28 janvier dernier les salles de cinéma ont accouché de deux films forts prenant pour thème l’exil : Los Bastardos et Pour un instant, la liberté. Quand le cinéma devient le territoire d’une parole engagée, les images laissent sans voix.

Escalante est américain d’origine mexicaine, Riahi autrichien d’origine iranienne ; si leur histoire est différente, elle a nourri leur inspiration d’une égale intensité. Leurs films racontent au présent la traversée des frontières que firent leurs propres parents. Le regard que portent les deux réalisateurs, en tant que « 2ème génération » d’immigrés, luit aussi de la même révolte face à l’absurde du racisme et l’inhumanité des procédés bureaucratiques.

Los Bastardos était présent à Cannes (sélection Un Certain Regard), et a déjà éclaboussé la Croisette de ses scènes sanglantes. Pas étonnant de la part d’Amat Escalante, qui s’était déjà distingué en 2005 avec son premier long, le cinglant Sangre. Son dernier film raffle tous les prix sur son passage. Il narre les 24 heures de la vie de deux travailleurs mexicains clandestins à Los Angeles. La lenteur des séquences perturbe, et la violence, qui jaillit de la scène pivot du film, étrangle sans prévenir. Ici la rédemption est impossible, peut-être parce que l’on est trop proche de la réalité ? Des aplats de couleurs entrecoupent le film sur des riffs de guitare survoltés. « Ce sont les couleurs du drapeau mexicain, explique Escalante, parce que c’est tout ce qui reste aux immigrés une fois qu’ils ont quitté le pays. » Aux réfugiés iraniens en dérive de Pour un instant, la liberté, c’est la radio qui devient l’ultime point d’attache. De facture plus classique, le film d’Arash T. Riahi (déjà systématiquement récompensé dans plusieurs festivals par le Prix du public) fait rire et pleurer le masque de la tragédie. Le destin de douze personnages ayant franchi les montagnes pour rejoindre la Turquie se déplie avec une justesse bouleversante ; et pour cause, Riahi a mis 7 ans à monter son film, durant lesquels il a mené une réflexion intense sur la problématique des réfugiés. Ses portraits croisés, loin de disperser le récit, l’attachent au contraire aux moments de bonheur éphémère que Riahi choisit de montrer. Dans l’attente des papiers, les rêves d’une vie meilleure se mélangent à l’incertitude d’avoir fait le bon choix. Deux films que l’on ne saurait donc que trop conseiller aussi au nouveau Ministre de « l'Immigration et de l'Identité nationale »…

BA :: Los Bastardos (distrib. Le Pacte / sortie le 28 janvier 2009)


BA :: Pour un instant, la liberté (distrib. Les Films du Losange / sortie le 28 janvier 2009)



Nora Mandray

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