Édito de juin


Avec un retard que l’on jugera mérité, Quartier Libre fête le dernier numéro d’une année universitaire houleuse et (presque) achevée. Pour consolider son sommaire, la rédaction a cru bon attendre quelques semaines et l’envoi des premières bobines cannoises pour faire le tri. On ne reviendra pas sur cet état des choses mais le nombre exponentiel de sorties hebdomadaires reste un vaste écran de fumée qui cache la plupart du temps une pauvreté artistique et une prise de risque minime. L’Amérique plutôt absente (d’où notre intérêt pour la reprise du premier Scorsese et la découverte du dernier FF Coppola) reste en même temps ultra présente avec ses images surgelées, creuses et exportables à l’infini… On attendra la sortie du prochain Michael Mann et Tarantino parmi le torrent de blockbusters estivaux pour voir si, de ce côté, l’espoir est encore de mise.

Truffaut disait : « En France, tout le monde a deux métiers, le sien et critique de cinéma. ». Ce qui revient à dire que tout le monde détient une opinion sur les résultats du festival de Cannes. Et le scepticisme étant la seule vraie manière de voir les choses, on émet de sérieux doutes sur la remise de la palme d’or par la présidente du jury, Isabelle Huppert, à son ami et versant glacial Michael Haneke. Le plus cynique des réalisateurs replonge glorieux dans son océan de cinéma arctique et finit d’achever la respectabilité de ladite récompense. Et florilège d’une discussion entre Sean Penn et Huppert dans Première avant le festival. Penn : « Avez-vous prévu de donner une ligne directrice pour juger des films ? ». Réponse d’Isabelle : « Moi, non […] Je ne veux pas aller sur ce terrain là. ». Plus loin : « Ca doit être amusant de se croire roi d’un jour et d’ériger ses propres règles, en faisant semblant de croire que vos sujets vont faire semblant de s’y soumettre. ». Ivresse du pouvoir, quand tu nous tiens…

A quelques pas du cinéma en France, la fameuse loi Hadopi et ses sanctions abusives ont été déboutées par le conseil constitutionnel. Le duo Sarkozy-Albanel a imaginé un projet de loi obsolète, inopérant et qui a finalement permis à notre omniprésident de faire un appel du pied à quelques vieux artistes dépassés. Le téléchargement étant ancré dans les mœurs, et le projet Hadopi qui n’aurait rien reversé aux artistes déjà peu aidés par leurs producteurs, la TVA et les grandes surfaces culturelles, on estime que ce projet était tout simplement bidon. Et même si pour la pérennité de la création artistique, des mesures (réfléchies) doivent êtres prises, rien ne nous empêchera de dire que télécharger un album et aller au concert, pirater un film et continuer de se rendre au cinéma reste une formidable liberté pour le consommateur affolé de 2009.

Tout cela pour clamer un heureux « Charlotte for Ever » et informer que Quartier Libre reviendra dès Septembre, avec un autre format et un nouveau nom.

Romain Genissel

Charlotte Gainsbourg

Elle en a fait du chemin la petite Charlotte qui chantait avec papa, d’une voix tremblotante, Un zeste de citron…! Ce duo provocateur l’avait fait connaître de tous. Mais qui, en cette année 1984, aurait pensé que la jeune fille au physique jugé ingrat se hisserait au rang de star internationale, et cela dans la très prisée catégorie des vedettes de cinéma ?

Alors qu’elle aurait pu se reposer tranquillement sur son étiquette de « fille de » pour percer, Charlotte prend des risques et multiplie les projets. Ainsi, en parallèle de sa carrière dans la chanson, dont la concrétisation eut lieu avec l’album 5 : 55, elle s’épanouit dans le cinéma aux côtés d’hommes de talent. On citera entre autres Claude Miller et Agnès Varda, qui l’ont dirigée à deux reprises, Claude Berri (L’un reste, l’autre part), Michel Gondry (La science des rêves), Alejandro González Iñárritu (21 grammes), j’en passe et des meilleurs.

En 2009, c’est la consécration. Présidente de la cérémonie des Césars, deux fois à l’affiche pour Antichrist de Lars von Trier et Persécution de Patrice Chéreau, qui sortira sur les écrans en décembre ; mais surtout primée à Cannes, où elle reçoit le prix d’interprétation féminine pour son rôle dans l’Antichrist. Et s’il y a des mauvaises langues pour dire qu’on récompense toujours les rôles de fêlés (Isabelle Huppert pour La Pianiste, Charlize Théron pour Monster,…) je vous invite à aller voir le film avant de persifler !

On retiendra l’hommage au père, Serge Gainsbourg, lors de la cérémonie de clôture, où la subtile Charlotte a su ne pas verser dans le larmoyant :

"Je pense aussi à mon père, qui j'espère aurait été fier de moi, fier et choqué, j'espère." Choqué, il y a de quoi. Camper cette femme qui sombre dans la folie et l’autodestruction après la perte de son enfant était une performance de haut niveau. La douce et timide actrice a dû ravaler les traits de sa personnalité uns à uns pour se projeter dans les névroses du réalisateur danois. Alors on fait comme les cannois : même si le film nous révulse, on applaudit Charlotte.


Elise Le Corre

Antichrist

De Lars von Trier


Un couple saisit au milieu d’un violent orgasme qui ne voit pas leur fils tomber de la fenêtre. Une mère (Charlotte Gainsbourg) rongée par le deuil. Eden, un lieu où « le chaos règne ». Du sang, beaucoup. Et la nature ; démoniaque nature, s’immisçant entre les amants.

Voilà un aperçu du dernier film de Lars von Trier, réalisateur danois qui s’est fait une place dans le cercle restreint du cinéma d’auteur avec Dancer in the Dark , pour lequel il remporta la palme d’or en 2000.

Pour certains un OVNI, pour d’autres un navet, Antichrist ne cesse de faire parler de lui depuis sa froide réception à Cannes ; où l’on a vu des spectateurs quitter la salle en pleine séance. D’abord mélodrame épuré, le film s’enfonce progressivement dans une atmosphère irréelle et inquiétante, pour finir avec une symbolique claudicante : la nature est l’église de Satan, la nature de la femme est mauvaise etc. Les indices déployés à la fin, qui devraient éclairer le comportement de la mère, n’expliquent rien et insufflent une pointe involontaire de grotesque. Alors on se tire les cheveux, on se demande où l’on veut en venir. Peut-être le réalisateur ne le sait-il pas lui-même. Son Antichrist semble se réduire dramatiquement à la projection narcissique de ses démons intérieurs. Ceux-ci contaminent en effet le film jusqu’à ce qu’il y ait overdose. La scène de mutilation de la 88ième minute était-elle nécessaire ? Et que dire de celle de la minute qui suit ?

Tel un corbeau, le film tourne autour de la peur, pièce maîtresse du scénario. D’abord on cherche à l’exorciser par des moyens communs – c’est là que les talents du mari psychanalyste, William Dafoe, rentrent en jeu – ensuite on imagine le lieu de villégiature le plus insupportable pour le couple endeuillé et on l’y emmène, en feignant de ne pas voir le masochisme de l’entreprise. Mais, attendez…parle-t-on toujours des peurs de la mère, où bien est-on passé insensiblement à celles du réalisateur ? Le film devient malaisément prétexte : prétexte à une explosion de violence, à une esthétisation de la nature aussi, appuyée par une panoplie d’effets spéciaux qui surgissent inopinément. Il n’en reste pas moins que, visuellement, on y trouve quelques trouvailles (les corps blancs enchevêtrés parmi les racines). Or elles s’assortissent douloureusement à cette persistante sensation de décalage, de fausse note, que la superbe performance des acteurs – voir à ce sujet l’article sur Charlotte Gainsbourg en page une – ne camoufle qu’à moitié. Le film reste une curiosité, sensorielle et visuelle. Pour les hommages, on reviendra…

Elise Le Corre


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Etreintes Brisées, de Pedro Almodovar

Suite à Volver en 2006, Almodovar est de retour sur les écrans, après un passage à Cannes fort applaudi mais non récompensé. Etreintes Brisées est un film à la structure narrative complexe, en va-et-vient entre une histoire d'amour passée et un présent se retournant forcément, via le questionnement des jeunes générations, sur ce qui le constitue. Un récit, donc, mais bien plus encore.

Almodovar ne maquille pas ses influences, d'une Pénelope Cruz transformée le temps d'un film dans le film en Audrey Hepburn, à la pourpre flamboyante du mélodrame des fifties, façon Sirk. Vertigo aussi, via une revisitation vertigineuse d'un plan d'escalier en plongée : qu'il s'agit de descendre et non de monter, mais toujours pour rejoindre une femme, et qui se substitut en un long fondu enchaîné à une bobine de film se déroulant à l'envers.
Car Mateo (Lluis Homar) était réalisateur – sauf qu'à la suite d'un accident, il est devenu aveugle, et a donc changé de métier en devenant scénariste. Il a aussi changé de nom (devenant Harry), histoire de fuir un passé trop douloureux. Tetro dans le film éponyme de Coppola fait de même, et il ne s'agit pas du seul lien entre les deux films : pour l'un comme pour l'autre le passé est image obsessionnelle (au point d'être en couleur dans un film en noir et blanc chez Coppola) qu'il s'agit de faire ressurgir pour clarifier un présent douloureux de silence ; pour l'un comme pour l'autre l'art permet d'accéder à ce passé, mais il n'est pas possible de s'y plonger en solitaire – la jeune génération doit mettre la main à la pâte à son tour ; pour l'un comme pour l'autre, aussi, la famille n'a pas forcément des contours stables mais demeure essentielle.
Mateo / Harry va donc raconter son histoire, d'amour évidemment, contrariée bien sûr. Lena (Pénelope Cruz) est sa star et bientôt son amante. Mais Ernesto veille et charge son fils (Ernesto, dit X-Ray lorsqu'il apparaît en 2008 pour demander à Harry d'écrire un scénario sur sa vie d'homosexuel complexé par un père trop influent) de filmer le tournage de Chicas y Maletas, et en particulier Lena et Mateo. Ernesto père s'adjoint les service d'une liseuse sur les lèvres histoire de déchiffrer ce qui se dit à l'image : le cinéma parlant est né, en différé encore, et avec des défauts techniques évidents (« no labios », pas de lèvres). Mais bientôt Lena survient derrière Ernesto pour se doubler elle-même.
Plus de frontière possible, de toute façon les personnages vivent leurs vies comme un film et leur film comme une vie : témoin la jambe brisée qu'il faut justifier et donc fictionnaliser pour que Chicas y Maletas s'explique quant aux béquilles de l'actrice principal, témoin le film même qu'il sera enfin possible de monter comme le souhaitait Mateo, lorsqu'à la fin le silence a finalement été rompu...


Piera Simon

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Looking for Eric, de Ken Loach

Il existe à Manchester trois clubs de foot qui pourraient bien être le miroir du monde actuel et l’image de l’histoire produite par Ken Loach pour son dernier film.

Le premier, Manchester City « blue » est le club (racheté dernièrement par un émir arabe) préféré d’une frange classe prolétaire qui ne se reconnaît pas en l’autre grand de la ville, Manchester United. Le club de Manchester United est en réalité une société qui, avec sa galerie de joueurs galactiques, survole le football européen grâce à sa position boursière et sa gestion de type multinationale. En matière de football, « Man U » est une équipe très agréable à voir jouer… Mais pour les mancuniens, les matchs se regardent dans les pubs, tant le prix du ticket pour le glorieux stadium est abusif et réservé à l’élite. Face à ce constat symptomatique du foot-business, les fans de la première heure ont cherché à se démarquer du club qui les a fait vibrer en créant une troisième voie avec une équipe mineure, dont les couleurs rappellent celles du United à l’époque où tout le monde se retrouvait et vibrait en reprenant en chœur le glorieux « Hou ha Cantona ».

Au début des années 90, les ouvriers anglais ont perdu une bataille et sont devenus malgré eux les victimes d’un système qui les écartait depuis déjà pas mal de temps. Et ce n’est pas innocent si Ken Loach a commencé à devenir plus engagé et revendicatif au moment où Thatcher montrait les crocs et essoufflait l’Angleterre de sa main de fer. Ainsi, la peinture d’une classe ouvrière déclassée et cette quête pour la reconnaissance des mal lotis qu’a entrepris Loach ont, semble t-il, été freinées par ce désarroi mondialisé que dépeint la grande oeuvre pessimiste It’s a Free World !

Plus proche de Sweet Sixteen pour son personnage que le révisionnisme classique du Vent se Lève, Loach revient ici sur le mode comique, avec un regard nostalgique porté sur ce paradis perdu qu’incarne le King français Eric Cantona.

Postier défait par une vie sentimentale qui a foutu le camp et débordé par la tenue d’une maison défaite par deux jeunes lad’s rebelles à l’autorité, Eric perd pied et tente de se suicider. Comme tout est affaire de projection, il s’en remet à son idole Eric Cantona pour retrouver sens à son existence et un peu de respect pour lui-même. L’amitié et la solidarité comme combat contre l’altérité et l’immoralisme ambiant, Looking for Eric l’illustre à chaque plan et le déroule tout au long du film. De même, les aphorismes de Canto (« ce n’est que face au danger que l’on peut se surpasser ») dévoilent le combat à mener et l’idée que ce sont les modèles à suivre qui manquent cruellement aujourd’hui.

Et l’intérêt que dans la veine réaliste de Ken Loach, une arme est un danger potentiel et pas un accessoire ou un simple jouet scénaristique. Ne pas y voir là de conservatisme mais, bien plus qu’une série américaine « frais emballée » et programmée pour du temps de « cerveau humain disponible », ce film devrait être diffusé un dimanche soir à la télévision. Car pour moi, Ken Loach joue toujours en première division.

Romain Genissel


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Jusqu’en enfer, de Sam Raimi


Aïe…Ouyouyouille…il faut m’excuser, mais mon occiput porte encore les stigmates d’un combat acharné avec le plafond de la salle de projection, effet collatéral dû aux sursauts incessants que m’a causé le dernier bijou horrifique de Sam Raimi. Un instant, il me faut prendre mes pilules anti-palpitations…


Une révélation pour ceux qui ne vont que très peu dans les salles obscures : il y eut un Sam Raimi qui n’avait pas encore (superbement) réalisé la saga Spider-Man. En effet, c’est ici Evil Dead-Man qui nous revient, en chair et sans os. Ou de l’art de ne plus avoir le début de la moindre envie de refuser un prêt à une dame âgée…


Car c’est l’erreur que va commettre Christine (Alison Lohman, remarquée dans Les Associés), qui est à mi-chemin entre la biche apeurée et l’oie blanche sournoise-tête-à-claques…et ainsi va se retrouver maudite, mais alors de la malédiction de première bourre, avec harcèlement pendant trois jours débouchant sur une damnation manu capri… Et le vil Raimi de faire lâcher les pace-makers de France et de Navarre par des artifices vieux comme Romero, mais magnifiés par les moyens audio-visuels modernes (mon royaume pour une réédition en salles de Shining…), tels que des images horrifiques qui disparaissent aussi vite qu’elles sont apparues, des clinquements de divers ustensiles de cuisine, des musiques horrifiquement horrifiantes à souhait, évoquant tant L’Exorciste que le générique d’X-Files, et surtout…SURTOUT…LORNA RAVER, qui ferait s’oublier Vin Diesel et le Terminator réunis…



Cette dame vaudrait qu’on lui consacre tout un ouvrage : très rarement on aura recensé une figure horrifique aussi vomitivo-horripilante, tant pro- que post-mortem…elle suscite à elle seule, à chacune de ses apparitions, la figure artistique bien connue des amateurs d’horreur dite de la « dissimulation sous coussin » ou, à défaut, sous un bout de sweat-shirt…Quelle splendeur dans cette face pleine d’asticots ! Quel ravissement lorsqu’un cadavre avéré crache son liquide d’embaumement sans techniquement esquisser le moindre geste ! Quel bonheur lorsque le bras d’une morte s’enfonce jusqu’au delà du coude dans une bouche bien vivante ! (mais si, mais si, ma santé mentale est parfaite…) On souhaite presque que cette grande actrice s’arrête là dans ce registre, pour ne pas se laisser tenter dans un éventuel futur film similaire par le démon de l’auto-caricature…


En sortant de la salle, on ne sait si on a été jusqu’en Enfer, mais on pense lui avoir dit quelques mots…

Aïe…Fichu occiput…


Cyril Schalkens


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Soul Power, De Jeffrey Levy-Hint

Monteur pour Leon Gast, réalisateur de l’oscarisé When we were Kings (1997) relatant le mythique combat qui opposa Mohammed Ali à George Foreman à Kinshasa en 1974, Jeffrey Levy-Hint n’a pu résister à l’envie de tirer des centaines d’heures de rushes délaissés un nouveau documentaire, centré cette fois-ci sur le festival de soul music Zaïre 74 qui s’est organisé parallèlement au combat.

Sur ce point on le comprend ; force est d’avouer que douze heures de concert réunissant B.B. King, Miriam Makeba, James Brown, The Crusaders, The Spinners, Big Black et autre grands noms de la musique afro-américaine et africaine se devaient d’être montrées car elles restent absolument jubilatoire.

La force de ce documentaire vient également du fait que Levy-Hint ne cherche jamais à nous présenter les images comme un retour sur le passé. Si ce n’est la date au début du film et les quelques lignes d’introduction qui posent vaguement le décor, le réalisateur nous plonge dans le vif du sujet à travers toutes les étapes d’organisations, jusqu’aux loges des artistes et aux concerts en eux-mêmes, comme si on y était.

Dès lors, l’ambiance est électrique, entre le bœuf improvisé dans l’avion américain (on en rêve encore), tous les préparatifs festifs et les discours émoustillés par l’arrivée en Afrique, terre des origines pour toute une population afro-américaine. Toute cette animation est conduite par un désir de symboliser un retour aux sources aux airs de coup médiatique et marketing avec des artistes quelque peu surchauffés sur le sujet et qui laissent au final un peu sceptique quant à leur réelle motivation. Noyé dans des discours enflammés et engagés, le message est certes celui fédérateur pour la liberté des Noirs et leurs droits humains, mais quand Ali se met à revendiquer la différence en disant « Blancs et Noirs, nous ne sommes pas frères », là on commence un peu à tiquer. Balancé comme cela, si on oublie le contexte historique (les années 70 aux Etats-Unis, la dictature de Mobutu au Zaïre), les paroles de James Brown et Ali sonnent un brin réac’. A côté de cela, les habitants du Zaïre ont-ils leur place ? Non, ils ne sont jamais avec les artistes venus d’Amérique sauf pour signer des autographes et voir en chair et en os des idoles qui parlent de fraternité dans une langue qu’ils ne comprennent pas et qui repartiront comme ils sont venus, sans avoir changé leur vie.

Outre cette confrontation étrange entre les cultures africaine et américaine des musiciens qui suscite réflexion, on est totalement happé dans les rythmes et l’énergie extraordinaire des musiciens, pour notre plus grand plaisir. On attend avec impatience les bonus du dvd et la réalisation du projet de Levy-Hint de monter les douze heures de concert.

Ana Kaschcett


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Good Morning England

de Richard Curtis avec Philip Seymour Hoffman, Rhys Ifans, Bill Nighy

Sixties, Angleterre de Thatcher, à l’heure où l’austère BBC est l’unique radio autorisée sur les ondes britanniques. Quand la nuit tombe, une bande de huit timbrés à bord d’un bateau pirate voguant sur la mer du Nord, diffuse illégalement sur les ondes, du son à faire vibrer 22 millions de british fondus de « Sex, Drugs, Rock’n’roll ». Jouissif !

Sur les ordres de sa mère, le jeune Carl (Tom Sturridge) embarque à bord d’un mystérieux bateau pour rejoindre son parrain, Quentin (le so british Bill Nighy). Là, Carl découvre la bande explosive de Radio Rock, menée par l’imposant Comte (Philip Seymour Hoffman). Richard Curtis reprend une dominante de Love Actually ; celle de livrer une galerie de personnages exubérants et hauts en couleurs : le mystérieux Midnight Mark qui émoustille plus d’une Anglaise, Dave à la généreuse bonhomie, Simon le looser sentimental ou encore Bob le hippie des matinales, animent Radio Rock avec vitalité. Lorsque le Comte et Gavin, le roi de Radio Rock, s’affrontent au sommet des mâts du bateau, le film atteint une envergure comique mythique. Richard Curtis alterne malicieusement vie démentielle à bord du Boat that rocked et salon froid et discussions aigres du gouvernement, où le médiateur se nomme étrangement Mr. Twat (Mr. Connard, en outre). Oui, le réalisateur prend furieusement partie et rend Good morning England captivant et jubilatoire.

Richard Curtis mise alors sur la déferlante de la Pop pour traduire l’atmosphère électrique des sixties. Good morning England débute avec une ouverture clipesque sur le fameux All day and all of the night des Kinks à groupies, puis accumulent les scènes intelligemment accompagnées de classiques comme The Beach Boys (Wouldn’t it be nice), The Who (I can see for miles, My generation), ou encore Otis Redding. Son and Father de Cat Stevens apporte son quota d’ébranlement pour appuyer avec simplicité les retrouvailles de Carl et son père. Son père, qui risque de se noyer pour sauver son vinyle préféré des Beatles. Finalement, Radio Rock, plus qu’une radio, reflète un esprit libertaire qui pousse à la rébellion, à l’insubordination face à une Angleterre trop victorienne et bien-pensante. Lorsque le bateau sombre à la Titanic, le Comte, symbole de la contestation assourdissante des sixties, illustre alors tout l’état d’esprit de Good morning England : la musique ou rien. Si le film s’étire un peu sur une fin à la Love Actually (vive les embrassades.), on ne peut s’empêcher de sourire devant l’énergie communicative de Good morning England. Au générique de fin, David Bowie n’en finit pas de nous achever.

Roseline Tran


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Sunshine Cleaning


SUNSHINE CLEANING


Réalisé par Christine Jeffs
Avec Amy Adams, Emily Blunt et Alan Arkin




Sunshine Cleaning est certainement le bon « feel-good movie » à aller voir à l’arrivée de l’été. Le film, petit cadet de la nouvelle famille du cinéma US indépendant (Juno, Little Miss Sunshine…), apporte quelques rayons de soleil et donne un boost salvateur au moral. Entre drame familial et comédie modeste, Sunshine Cleaning fait le portrait d’une Amérique moderne qui travaille, qui s’entraide et qui n’exclut pas.

Il faut dire que la famille Lorkowski est assez barrée. Rose (Amy Adams), femme de ménage et mère d’un petit Oscar rêveur, gagne piètrement sa vie. Norah (Emily Blunt), sœur de Rose, est au chômage et crèche chez son père, Joe (Alan Arkin), qui essaye tant bien que mal de fructifier un étrange commerce de crevettes. Dans Sunshine Cleaning, tout comme dans Little Miss Sunshine, la famille avec un grand F, représente l’union de personnes séparées par leur tempérament. Rose, ancienne pom-pom girl s’oppose à Norah, jeune femme maladroite. Quand les deux sœurs, à cours d’argent, montent « Sunshine Cleaning », une entreprise de nettoyage de scènes de crime, le pur burlesque anime le film. Répliques réjouissantes, cocasseries et comique de situations s’enchaînent ; Oscar lèche les murs, Rose débarque dans une fête pré-natale inquiétante, Norah bute sur un lit couvert de sang, Joe, joué par le génial Alan Arkin, argumente en espagnol. Si le film privilège la bonne humeur portée par la jolie Amy Adams, il en ressort pour le moins une certaine tristesse noire où le drame disloque la famille. Sunshine Cleaning semble alors se livrer à une grisaille presque omniprésente que la famille Lorkowski ne parvient pas à défaire et partage alors sa part de (petites) émotions ; rupture et mélancolie trop rhétorique assombrissent.




Pourtant, les producteurs de Little Miss Sunshine, ne déroge pas à leur leitmotiv : faire du malheur quelque chose de risible, comme lorsqu’Oscar rencontre Winston, tenant d’une boutique de décapants d’hémoglobine et handicapé d’un bras. Sunshine Cleaning lutte contre toute forme de préjugés et se moque d’une société trop conservatrice, en chargeant la bourgeoisie traditionaliste et en livrant un grand message idéaliste de solidarité – la débridée Juno portait déjà un message pro-adoption/ pro-avortement… Norah est absolument non-conformiste, Oscar est renvoyé d’une école trop stricte, Joe est un septuagénaire roublard en mal de reconnaissance, quant à Rose, elle écume échecs social et sentimental. Finalement, le film peint une Amérique minoritaire et moyenne, celles des exclus. Sunshine Cleaning, en plus de dépeindre une galerie de personnages étonnants, multiplie les clins d’œil à Little Miss Sunshine : le post-it anti-loose de Rose rappelle les 6 points du winner de Richard. Alan Arkin, trop absent, refait une apparition moindre dans le rôle d’un grand-père farfelu. Mais s’il se veut aussi frais et lumineux, ce Sunshine là, qui laisse sur sa fin, est plutôt terne.

Roseline Tran





Toute l'histoire de mes échecs sexuels


A COMPLETE STORY OF MY SEXUAL FAILURES

Réalisé par Chris Waitt





Journal intime en brouille avec la frontière fiction/documentaire, Toute L’histoire de mes échecs sexuels expose les méandres sentimentaux d’un célibataire proche de la déprime. A la manière du roman de Nick Hornby, High Fidelity, le trentenaire Chris Waitt déterre son passé et retourne voir sa flampée d’ex petites amies afin de les questionner sur le pourquoi de ses bides amoureux. Le tout sur le ton amusé, absurde et parfois amer.

Look d’adolescent dont les vêtements n’auraient pas dépassé les années grunge, Chris observe la bedaine qui se forme au niveau de son abdomen et s’inquiète de savoir pourquoi, à l’orée de ses 30 ans, il demeure ce réalisateur indé-perdant à jamais abonné aux échecs sexuels. On découvre alors l’habitat de ce looser en compagnie de sa mère horrifiée de voir ces montages de fringues abandonnées, une salle de bain où le ménage n’a plus été fait depuis des années… Un environnement dans lequel Chris se complait nonchalamment, et qui pourrait, à l’évidence, effrayer plus de la moitié du sexe opposé.

Clown triste et égocentrique, Chris est atteint, en plus de ses problèmes libidineux, du mal chronique de celui qui ne voudrait pas vieillir. Ironique combattant, il prend la décision de faire la liste de ses ex compagnes pour aller leur demander pourquoi elles l’ont largué. Mais l’aventureux qui va filmer et dépoussiérer tout son passé ne s’arrête pas là. Il ouvre aussi un compte Myspace pour se faire plein d’ami(e)s et voir si des rencontres physiques sont possibles.

Armé d’une petite DV, Chris se filme téléphonant à ses ex, notant sur son book les défauts à améliorer, se fait raccrocher et fermer la porte au nez. Renvoyé à sa condition de garçon détaché et un tantinet misogyne, le cinéaste joue l’affecté et feint de se placer en victime mi-amusée mi-hébétée. Le plus drôle étant lorsqu’il se rend chez une sexologue pour chanter une complainte où il révèle son désir de coucher avec toutes les filles de la terre mais aussi la scène où il se fait fouetter et broyer les gonades par une vamp’ masochiste. Enfin, la séquence la plus marquante et euphorisante s’avère sa déambulation londonienne où, après avoir ingurgité pas moins de sept pilules de viagra, il court après toutes les demoiselles leur proposer une folle coucherie. Travaillé par une libido sans commune mesure, ainsi que par l’inquiétude d’un célibat prolongé, Chris s’expose magnifiquement comme celui qu’une bonne partie de la gent masculine se refuse à voir. Enfin, les membres du sexe fort pourront se rassurer devant ces séquences de rencarts Myspace où les filles en prennent aussi pour leur grade et n’offrent pas non plus la plus belle des images.

Romain Genissel

La Maison Nucingen

de Raoul Ruiz


Libre adaptation du roman éponyme d'Honoré de Balzac écrit en 1837, La maison Nucingen est un ovni cinématographique réalisé par Raoul Ruiz, cinéaste mais aussi écrivain. Lubie, caprice ou dérapage contrôlé ? Cette énième production filmique ne cesse d’interloquer qui la regarde…

Cinéaste en marge, à l’imaginaire nourri dès sa plus tendre enfance par Kafka et Poe, Raoul Ruiz est connu pour avoir réalisé un nombre impressionnant de films… invisibles (la plupart non commercialisés). Serge Toubiana, autrefois rédacteur en chef des Cahiers du Cinéma, aujourd’hui directeur de la Cinémathèque Française, écrivait à son propos dans Le cas Ruiz en 1983 « Le cinéaste le plus prolifique de notre époque, celui dont la filmographie est presque impossible à établir tellement est diverse, éclatée, multiforme sa production depuis une vingtaine d’années ». Simultanément, le critique Charles Tesson intitulait l’un de ses articles « Un cauchemar didactique (ou la tentative hardie d’établir une bio-filmographie de Raoul Ruiz) ». Un réalisateur des plus insaisissables, donc.

Depuis quelques années, Raoul Ruiz revient peu à peu vers ses origines chiliennes, renouant avec ses racines.

De fait, l'intrigue de La maison Nucingen se déroule au Chili, plus précisément en Patagonie, dans un immense demeure où s'installe un couple, contraint désormais de cohabiter avec de curieux énergumènes, mais aussi bon nombre de présences fantomatiques...

En effet, un esprit règne dans ce manoir : celui de Léonore, jeune femme disparue accidentellement. C’est elle, lien en toile d’araignée, qui va tisser les relations entre les divers personnages et niveaux de réalité.

Dès les premières images de piètre qualité, l'on est d'emblée plongés dans un huis clos des plus étranges, hasardeux voire scabreux.

Les acteurs surjouent, les jeux de caméra sont évidents et répétitifs, les éclairages forcés à la manière d’un feuilleton télévisé et les effets spéciaux ne manquent pas de faire sourire le spectateur ; on est en voie de se demander si l’on ne se trouverait pas face à l’une des dernières pépites de série B.

Cependant, le décorum est d'un charme indéniable et certains plans panoramiques d'une beauté à couper le souffle.

Ces maigres consolations esthétiques agrémentées d'une intrigue farfelue au possible constituent un évident pied-de-nez aux structures formatées des productions filmiques actuelles.

Un film hors du commun, duquel l'on ressort alourdi par les erreurs plurielles, les longueurs et bizarreries qu'il contient, abasourdi par tant d'amateurisme de la part d'un réalisateur qui n'est pourtant pas en début de carrière, mais également surpris par l'audace de ces nombreuses minutes passées enfermés dans ce cabinet de curiosités.

Laure Giroir


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La Terre de la Folie

de Luc Moullet

Le dernier film en date de Luc Moullet a profité du dernier jour de la rétrospective qui lui été consacré à Beaubourg, et de sa sélection à la Quinzaine des Réalisateurs. Pas sûr cependant qu'il sortira beaucoup plus : le sujet est peu propice à attirer les foules, et le film, à la frontière (on sait depuis Les Contrebandières à quel point cette notion est fluctuante chez Moullet) entre l'absurde, le documentaire, la fiction, la reconstitution historique et le gore, est volontairement destiné à être atypique. Moullet n'a jamais particulièrement recherché l'adhésion du plus grand nombre, et a toujour clamé son indépendance (d'esprit) : à partir du moment où Digne (si si, c'est une ville) devient la capitale de la France, forcément...

Car géographiquement, « la terre de la folie » est située autour de Digne (Alpes-de-Haute-Provence : vous voyez Marseille ? Grenoble ? Le vide entre les deux ? C'est là). Le réalisateur est originaire de ce « pentagone de la folie » délimité avec précision grâce à des punaises plantées dans une carte IGN. Il n'est lui-même pas très sûr de sa santé mentale, et a des antécédents familiaux. D'où son enquête, pour laquelle il s'agit d'interroger des gens sur les différents meurtres ayant eu lieu sans raison déterminée, et étant donc imputables à la folie – laquelle, à mesure que le film progresse, semble devenir inhérente au lieu.

Les explications données sont multiples : l'hôpital psychatrique n'est pas loin, depuis que notre président n'a pas de fille internée les crédits ont baissé et les malades n'ont qu'à prendre leurs traitements eux-mêmes, le vent souffle trop, la solitude égare, la haine permet de survivre en ces montagnes hostiles, le manque de sel créé des pathologies, la radioactivité a contaminé les champignons, la malnutrition a des effets néfastes, etc, etc.

Les témoignages font état de crimes plus horribles les uns que les autres (de la jeune fille découpée par son père, au meutre à coups de pioche d'un garde-champêtre, avec en prime le maire et sa femme, en passant pas les multiples immolations par le feu), et en deviennent absurdes à force de détails. Moullet ne se prive pas d'ajouter l'absurdité de ses propres témoignages supposés être récapitulatifs, et des reconstitutions grossières qu'un étudiants de cinéma n'oserait pas faire, de peur d'être trucidé par son prof. La précision de la localisation géographique ainsi que les multiples témoignages se portent garants de la réalité des faits (allant indifférement du début du 20ème siècle à nos jours). Donc on rigole, parce que c'est trop – mais on n'est pas si a l'aise que ça d'avoir rigolé, parce que c'est horrible... De toute façon, tous ceux qui sont issus du pentagone sont foutus : c'est le droit du sol. Y'a qu'à voir les films de Moullet.

Piera Simon

Vengeance


"MY DAUGHTER... MY SON IN LAW... MY GRAND-CHILDREN... AND I.
LET'S TAKE REVENGE !!"


"Vengeance
"

Réalisé par Johnnie To
Écrit par Johnnie To et Wai Ka-Fai
Avec Johnny Hallyday, Anthony Wong, Simon Yam, Lam Suet, Lam Ka-Tung et Sylvie Testud





On sonne à la porte... Trois assassins entrent en massacrant père, mère et enfants. Aussitôt arrivé à Macao, Francis Costello engage trois tueurs professionnels afin de faire payer ceux qui ont décimé la famille de son unique fille. Le problème est que ce vieillissant chef de restaurant français perd progressivement la mémoire... Si Vengeance n'est pas le meilleur film de son réalisateur, il n'en demeure pas moins un polar de qualité, comme Johnnie To a dorénavant l'habitude de nous en livrer.

L'intérêt majeur de cette histoire ne repose pas tant sur le recrutement de Johnny Hallyday, du reste assez correct, dans le rôle principal, mais plutôt sur la perte de mémoire qui prend de plus en plus d'ampleur chez cet homme au visage marqué par la vie. Que veut dire l'expression « se venger » ? La question qui semblait de prime abord ridicule prend une toute autre signification, si l'on oublie ce pourquoi nous avons pris les armes. Rencontre après rencontre, Costello prend moult photos et y grave des noms pour ne pas oublier les visages. On ne saurait alors dire s'il veut simplement mener son objectif à bien, en combattant son amnésie progressive, ou s'il refuse catégoriquement d'oublier la tragédie de sa famille, afin de la venger coûte-que-coûte.

La question se pose d'une autre manière pour le trio de tueurs, incarnés par des acteurs de pointe du cinéma local. En choisissant d'aller bien au-delà de leur contrat, l'appât du gain ne peut plus constituer leur seul mobile, car ils sont conscients qu'ils n'en sortiront pas vivants. Les scènes de gunfights aussi inventives que dynamiques se succèdent, depuis la fusillade au clair-de-lune jusqu'à ce climax superbement chorégraphié dans la décharge publique, où le toujours remarquable Anthony Wong ne peut s'empêcher de rire, en réalisant jusqu'à quel point ils ont pu changer en si peu de temps.

La passion de cinéphile qui anime Johnnie To, jusqu'à donner au héros de son film le même nom « Costello » que le célèbre Samouraï de Jean-Pierre Melville, ne procurerait pas autant de plaisir coupable si le cinéaste et son fidèle scénariste Wai Ka-Fai ne possédaient pas une telle maîtrise formelle. La brutalité la plus âpre ne se départit ainsi jamais d'un humour que l'on sait cher au réalisateur, de même que le désespoir qui hante ce vieil homme, seul face à ses ennemis, se voit sauvé par une famille d'enfants habitant sur la plage avec leur mère, tel un havre de paix plus spirituel que matériel. Après l'oubli du visage, reste en tête une vengeance dénuée de cible, comme un objet frisant l'abstraction, jusqu'à ce qu'elle disparaisse à son tour de la mémoire, pour ne laisser la place qu'à un sourire et une sérénité enfin retrouvés.


Pierre-Louis Coudercy



Terminator : Renaissance


THIS IS JOHN CONNOR. IF YOU'RE LISTENING TO THIS... YOU ARE THE RESISTANCE !!







Terminator : Salvation
Durée : 1h48

Réalisé par McG
Composé par Danny Elfman

Avec Christian Bale, Sam Worthington
Bryce Dallas-Howard, Moon Bloodgood et Anton Yelchin





2018 : la Terre est en proie au conflit acharné que livre la Résistance des Hommes face à l'armée robotisée de Skynet, supra-intelligence informatique. De ce chaos émerge un leader, sous le nom de John Connor. Ce dernier sait qu'il doit retrouver un jeune homme, qui, plus tard, deviendra son père biologique après l'avoir envoyé dans le passé. Pour cela, il aura besoin de l'aide d'un homme mystérieux du nom de Marcus Wright, énigme à part entière. Si l'on se demande si ce quatrième opus de la saga est bel et bien une renaissance, la réponse est oui et non.

Sur une image fortement désaturée et emplie de tonalités cendrées, Sam Worthington marche au milieu d'une ville ayant subi les affres de la déflagration nucléaire. Pas le moindre signe de vie apparent au coeur de ces ruines, et l'étendue de l'avenue semble alors tracer un chemin vers un avenir imperceptible et totalement incertain. Subitement, se dresse en obstacle un T-600 errant et défectueux, et l'avenue se métamorphose alors en arène opposant l'Homme et la machine, le créateur et la créature. En réalité, sur cette seule scène se dessinent deux enjeux divergents du film de McG.

Sont ainsi repris des thèmes et des motifs ayant caractérisé la saga, mais le revirement de l'univers et de son ambiance est total. Ce n'est plus le présent qui se voit contaminé par le futur, mais le futur qui devient lui-même présent et se voit infiltré par notre présent, par conséquent de l'ordre du passé dans le film. La guerre entre l'Humain et Skynet n'est plus un cauchemar à venir : elle est devenue d'actualité. Exporté entre les différentes couches temporelles que sont les époques du film et les différents films eux-mêmes, le corps devient un véritable vecteur de renaissance, depuis l'intéressant Marcus Wright, superbement incarné par Sam Worthington, jusqu'à la jouissive apparition numérique de Schwarzenegger dans le rôle qui l'a consacré en icône de la saga.

Cependant, à l'image de ces T-600 ayant un côté « brut de décoffrage », le film de McG accuse une imperfection générale. Ce n'est pas tant du aux inspirations parfois trop palpables de « Transformers », design juvénile en moins, ou encore à certains clins d'oeil plus ou moins subtilement amenés aux yeux du fan de la première heure, mais plutôt aux importantes coupes scénaristiques opérées par le remontage du film. L'on en oublierait presque que John Connor est censé être la figure centrale de l'histoire et que sa femme Kate attend un enfant dans son ventre déjà rond, de même que la belle relation amoureuse entre Marcus et Blair manque clairement de consistance. C'est finalement une renaissance plutôt amochée que l'on nous offre en salles, et il ne reste désormais plus qu'à découvrir une possible version longue pour en apprécier pleinement le travail livré.

Pierre-Louis Coudercy



Les Beaux Gosses

De Riad Satouff

L’affiche des Beaux Gosses, magnifiquement constellée d’impureté acnéique, dévoile un bel échantillon des figures ingrates de l’adolescence qui ont été l’apanage de tout bon teenager mal dans sa peau. Contre-pied ironique à cette société hygiénique qui aime se mirer en surface et sur le lisse des miroirs, elle s’expose comme un superbe doigt d’honneur au jeunisme brillant et surtout comme l’image surprenante d’une comédie franche, drôle et savoureusement colorée.

Riad Satouff est un dessinateur de bande dessinée bien connu des amateurs du genre et des lecteurs de Charlie Hebdo pour ses vignettes dévoilant la Vie secrète des Jeunes. Il y dessine des scènes attrapées dans le métro parisien où les jeunes parlent cul, religion, embrouilles et galères. Avec la généreuse acuité qu’on lui connaît pour cerner les travers de cet âge de la maladresse, de la vantardise mais surtout ce sentiment d’incompréhension mutuelle, le cinéaste semble être un observateur bien plus aigu qu’un ridicule reportage diffusé sur M6. L’idée a alors germé dans la tête du dessinateur d’en faire un long et d’imaginer une année scolaire dans un lycée de proche banlieue.

Hervé est donc un ado comme la France en fait plein. Parents divorcés, mère castratrice, démarche gauche et sourire métallisé, Hervé est bien plus intéressé par les filles que les déclamations poético- glauques de son prof de français gay. Avec son pote beur Camel, coupe mulet et amateur de hard rock, les deux ado forment un duo travaillé par l’éclosion de fantasmes sexuels dépensés sur les pages soutif de La Redoute et par des regards obliques en direction des tenues sportives de leurs camarades de classe. La frustration adolescente, de la première pelle roulée jusqu’à l’appréhension du passage à l’acte, anime alors chaque recoin de l’image et galvanise tous les dessous du film. Mais à cause de leur déviance verbale et physique, les deux lycéens sont considérés par la frange populaire de la classe comme des loosers à qui l’on ne doit pas parler et surtout pas se montrer. Violence subie des mots et des coups, la comédie de Satouff sait aussi saisir la cruauté inconsciente et exacerbée des comportements juvéniles.

Au-delà de cela, c’est l’écriture des dialogues qui fait bel et bien la force des Beaux Gosses, car ils fusent comme des pépites d’humour puéril et de drôleries sarcastiques. L’affront se fait le plus souvent verbalement, chaque tribu répète les mêmes codes de langage et l’on se tire des pires galères par des mots balbutiés et improvisés. Le casting est bon, les ados jouent parfaitement bien leur propre rôle et mention spéciale à Noémie Lvovsky en mère tendre et insupportable. Pas de bal de fin d’année ni de rêve à l’américaine ici, on est face à une France bien sympathique et un film tout aussi vériste qu’Entre les murs. En plus chaleureux et bien moins grave. Et que l’on ne me parle pas de portiques de sécurité ni de brigades d’intervention…

Romain Genissel


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Quelque chose à te dire, réalisé par Cécile Telerman


Bienvenue chez les névrosés ! Les Celliers forment une famille que rien n’unit : la mère, Charlotte Rampling, quelque peu acariâtre critique sans cesse ses deux filles Alice et Annabelle (Mathilde Seigner pour la première). Son mari Patrick Chesnais est tout juste retraité, et Pascal Elbé campe le fils ainé, patron d’une société qui importe du riz. Un soir, Alice, peintre incomprise et sans talent, fait la rencontre d’un flic dépressif, Olivier Marchal marié mais malheureux.

Là c’est le début d’une idylle un tantinet « gnan-gnan », mêlée à l’intrigue familiale, faite de hasards qui restent plausibles et auxquels on peut croire si on atteint un degré de crédulité assez conséquent. Les deux ingrédients du film réunis, on assiste à un long-métrage réservé aux plus de quarante ans. Les dialogues incisifs révèlent ce qui nécrose la famille de l’intérieur. Car il s’agit là de rapports familiaux qui, sous couvert de liens du sang, sont en surface des plus cordiaux. Alors qu’au fond d’eux, les enfants et le mari de Mady lui éclateraient bien à la figure. Et on attend que ça. Parce qu’il faut bien l’avouer, les parties de ping-pong verbales entre les membres de la famille laissent un gout délicieux et donnent un rythme aux différentes saynètes. Le film est en effet monté sous forme de petits moments, qu’on suppose chronologiques. Quelques lourds rebondissements en fin de dernière partie certes, mais rattrapés par le reste.

Côté casting, les acteurs jouent dans leurs registres respectifs. Pascal Elbé qu’on avait pu voir dans « Mes amis, mes amours » de Loraine Lévy, accablant de mièvrerie et de rebondissements insipides, est fidèle au rôle qui semble lui coller à la peau, celui de simple d’esprit, trop bon trop con… Mais ça lui va plutôt bien et ne dénote pas de l’ensemble. Charlotte Rampling quant à elle remplit à merveille son rôle de garce, tellement malheureuse qu’elle ne laisse rien passer, à personne. Elle frôle parfois l’hystérie, aux dépens de Mathilde Seigner, qui avec une mère de ce type ne peut que peindre les horreurs qu’elle expose (d’étranges tableaux en 3D de Madones torturés, glauque à souhait). Cette dernière, qui n’aspire qu’à recevoir un peu de reconnaissance de sa mère dans le film, possède la fraicheur d’une jeune débutante qui ne l’est plus et la spontanéité qu’on lui connait. Les autres rôles, bien distribués, apportent le mouvement nécessaire à ce second long métrage de Cécile Telerman.

Le bilan reste malgré tout mitigé, ni bon ni mauvais navet, mais assez plaisant pour en profiter lors de la fête du cinéma. Il est des samedis soirs où finalement, on n’a pas envie ni besoin de réfléchir… Ce film est fait pour ce genre de soirées.

Claire Berthelemy





Departures

De Yojiro Takita


Après Tokyo Sonata et Still Walking, c’est ce mois-ci Departures de Yojiro Takita qui nous propose de nous plonger dans l’univers du cinéma japonais. Sans être aussi enthousiasmant que les premiers, Departures traite avec une certaine grâce d’un sujet tabou au Japon : le rituel de mise en bière des morts.

Daigo Kobayashi rêvait de devenir violoncelliste, mais quand son orchestre tokyoïte se dissout faute de public, il décide de tout quitter pour retourner vivre, avec sa femme Mika, dans la maison de son enfance. Sans qualification, il atterrit alors dans une entreprise s’occupant de la mise en bière des défunts, travail qu’il apprendra à aimer et qui l’aidera à se construire malgré la barrière des tabous liés à ce métier au Japon.

Si l’on est accroché avec une certaine fascination par cette histoire autour de la culture du rite funéraire japonais, cela vient surtout du fait que ce rapport à la mort semble exotique à notre regard occidental car le film en lui-même révèle peu de surprises. La première séquence nous montre une mise en bière effectuée par Daigo, dès l’ouverture on connaît donc son activité, ce qui fait tomber un peu à plat l’incongruité de sa recherche d’emploi. A l’image de ce démarrage, les évènements du film s’enchaînent sans grandes surprises jusqu’à la fin.

On ne peut nier à Departures certaines qualités. L’histoire est racontée avec une certaine pudeur, une sensibilité tout à fait charmante et beaucoup de délicatesse, mais il lui manque le brin d’audace et la douce folie qui nous ont fait tant aimer des films comme Tokyo Sonata ou The Taste of Tea de ses compatriotes Kiyoshi Kurosawa et Ishii Katsuhito.

Les musiciens semblent occuper une place toute particulière dans l’imaginaire japonais, chez Yojiro Takita, pas de pianiste prodige, pas d’oncle chanteur déluré, mais un violoncelliste raté qui n’arrivera à se faire plaisir qu’en jouant pour lui, pour ses souvenirs, comme une ode à sa mère décédée ou son père absent et à une nouvelle vie qui s’est libérée en ayant renoué avec son passé. L’idée est belle, on s’identifie plus facilement à ce mode d’expression musicale simple et sans prétention. Cependant, la bande son composée par Hisaishi, compositeur connu pour son travail sur les films de Myiasaki notamment, devient quelque peu redondante et donne au film une atmosphère un tantinet mielleuse.

On aurait pu espérer un peu mieux d’un film récompensé par l’oscar du meilleur film étranger cette année, mais si Departures n’a pas la petite touche en plus qui nous fait vibrer, on passe tout de même un agréable moment qui nous permet de découvrir que les japonais ont d’autre rite aussi fascinant que leur célèbre cérémonie du thé.

Ana Kaschcett


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