Des Idiots et des Anges

CONTE DE LA LUNE VAGUE


réalisé et produit par Bill Plympton


Bill Plympton est un créateur allumé qui semble revenir de loin après l’échec commercial du très ambitieux Hair High. Sévissant en marge du cinéma d’animation depuis deux décennies, Plympton laisse courir sur ses planches une imagination délurée et un trait des plus furieux. Après l’impitoyable lune de miel, Les mutants de l’espace et le décapant Hair High, celui qui a, un jour, déserté le Vietnam revient en farouche indépendant avec le conte torturé Des Idiots et des Anges.


Dans la foulée de ses précédents opus, Des Idiots et des Anges, s’adresse, à la différence du cinéma d’animation mainstream, à un public averti. La méthode obsessionnelle de Plympton, consiste toujours à exploiter une limite qu’il s’agit de transgresser. Sa force tient essentiellement à ce déluge de visions gores et autres abysses organiques que sa galerie de freaks appelle et libère. Ce qui fait donc plaisir à voir chez Plympton, c’est ce dessin saturé qui déforme les perspectives et déplace le bon goût vers un univers trash, pervers et… idiot. Mais le cadre Des Idiots et des Anges modifie quelque peu les lignes de l’atelier Plympton en s’ancrant sur un terrain davantage réaliste.


Réveillé tous les matins par la lumière agressive de l’aube et le chant d’un oisillon, notre homme est un indécrottable bougon. Ce quotidien qu’il voit sombre l’amène à passer des journées entières dans l’antre noire d’un troquet à s’enfumer le cerveau et s’envoyer des verres. Egoïste et haineux, ce célibataire endurci s’éveille un beau jour avec des ailes qui lui ont poussé dans le dos. Désirant masquer ce don du ciel, l’homme préfère briser son envol et se complaire dans son dégoût du monde. Lorsqu’il voit se dessiner à répétition cet appel d’air, Angel est ridiculisé et pointé du doigt par ses pairs. De là, c’est tout un cheminement sur terre et dans les airs, de la terreur à la bonté que va tracer l’âme d’Angel.


Au regard de la fable, on pourrait croire que Des Idiots et des Anges s’aventure sur un terrain à forte consonance biblique mais tout cela reste très nuancé. Car c’est le traitement du film qui emporte la vision vers un onirisme jamais dégoulinant et toujours contrebalancé par des chutes au cœur d’un environnement hostile. Tourné en noir et blanc et sonorisé uniquement par une bande originale de folie (dont Tom Waits et son timbre nourri au bourbon), le film passe par une violence explosive avant de battre de l’aile. L’âpreté des relations et ce cynisme latent qui parcourent l’atmosphère charbonneuse et raturée du film, ouvrent à un lyrisme des plus noir. Inutile alors de voir comment Angel ravale ses larmes et charcute à coups de tronçonneuse son autre moi, afin de comprendre pourquoi l’échappée s’avère si salutaire.


Romain Génissel




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