Boy A


BOY A


D’après l’œuvre de Jonathan Trigell
Réalisé par John Crowley
Avec Andrew Garfield, Peter Mullan, Katie Lyons




Boy A marque l’année 2009 au fer. Grosse claque, le film, au scénario parfait, est un drame voire une tragédie. Indéniablement poignant, Boy A, préconise, avec une justesse maitrisée, sa foi sur le poids de la cruauté et de la rédemption qui ne vient pas. Sobre, Boy A, trouve sa force dans la prestation incarnée d’un angélique Andrew Garfield, qui tout au long du film, fait figure de funambule de l’émotion jusqu’à la dernière minute.

Grand coup de maître qu’est Boy A. Traité avec pudeur et force à la fois, le film est un portrait émouvant d’Eric (Andrew Garfield), qui à 24 ans, se réintègre dans une vie qu’il a quitté enfant. Incarcéré pour meurtre, Eric cherche à revivre, avec l’aide de Terry (Peter Mullan), son assistant social. Crowley traite avec légitimité de l’état fragile d’Eric, enfant-adulte stigmatisé. Le film alterne flash-back forts et violents d’une enfance tourmentée et la réussite sociale et affective d’Eric, sans tomber dans les clichés. Ce déséquilibre intelligent permet de mettre en place un étau qui se resserre, une tragédie qui s’annonce. Boy A, expose ainsi, une véritable tension dramatique magnifiquement contrôlée. Le film met en lumière une société abrupte, une civilisation non-civilisée et dure, ternie par l’absurdité d’une jalousie, d’une méchanceté. Si le film se dit « hymne à la vie » et fait le choix d’être purement lumineux, il en ressort bien gré mal gré, une tristesse grise bouleversante. Boy A suit finalement la psychologie d’une innocence brisée par le mal d’un monde en décadence, où la réinsertion sociale, dévorée par la culpabilité, est un échec. Andrew Garfield, acteur britannique prodige, porte magistralement le film, jouant à la perfection l’enfant timide et maladroit encloué dans un corps trop grand pour lui. Simple et franc, l’acteur touche profondément. Les dix dernières minutes de Boy A, entre songe et réalité, sont un ébranlement. Film captivant et nécessaire, qui subjugue et ne quitte pas, Boy A, puissant Stand by me merveilleusement calibré, coupe le souffle.

Roseline Tran


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Cela faisait longtemps qu’un premier film n’avait marqué aussi durablement et provoqué un tel envoûtement. Première oeuvre d’un cinéaste anglais prometteur, Boy A procure des sentiments troubles qui vont de l’euphorie d’être confronté à une proposition filmique intense et l’amertume d’être saisit par une fable aussi choc et funèbre qu’un album des Libertines.

Boy A se mesure d’abord à son édifice temporel et la structure d’un récit dans lesquels le spectateur semble tout aussi tenu que le personnage qui s’y trouve prisonnier. Car Boy A n’est pas cet étudiant sartrien qu’un capital et un héritage culturel confortable n’ont jamais fait douter de ce que l’on nomme encore le projet de liberté. Non, Boy A est né à Manchester et est rapidement devenu cet écolier livré à lui-même, subissant et expérimentant la violence d’un monde qui lui échappe. De son passé traumatique, on ne verra que des réminiscences égrainées au fil d’une réhabilitation, d’un nouveau départ dans une société dont il découvre les codes et comportements. Car le jeune homme qui sort tout juste de prison (espace subtilement absent ici) doit adopter profil bas et prendre acte de sa nouvelle identité afin de ne pas se compromettre et éveiller des soupçons concernant une histoire mal cicatrisée.

Epaulé par un substitut paternel (Peter Mullan) plein d’empathie, Boy A se confronte à la réalité d’un travail exercé en plein jour et aux ténèbres d’une conscience meurtrie et pesante. Maladivement introverti, le délicat jeune homme trouvera un certain réconfort dans les bras d’une anglaise joufflue à qui, de peur d’être mis à l’écart, il cache tout de son passé criminel. Il se lovera davantage dans ces régions maternelles à la suite d’une virée traumatisante avec ses tous jeunes collègues. De là, c’est une scène renversante où avalant un ecstasy à son insu, son corps dérive, est pris de convulsions magiques et dangereuses. Démultipliée ici par le vertige des miroirs, sa transe révèle de la plus belle des manières tous les affects qui se bousculent et l’impossibilité même (malgré la volonté) de les réprimer. La séquence symbolise ce qui tient du parcours du jeune anglais : une libération physique au présent et sa condamnation par un passif dont le corps porte tout le poids.

La structure de Boy A oscille constamment entre une lente réinsertion et l’inexorable poursuite de flashbacks qui font craquer la vérité d’une dissimulation vouée à l’échec. Le final où les deux temporalités se mêlent et essoufflent la destinée de Boy A, porte le film vers un espace clôt et onirique dont la tristesse ne laisse (presque) plus d’échappatoire. Tout cela (rajouté à un sens du cadre assez inouï) ne permet plus le doute. On vient d’assister à un petit chef d’œuvre. Qui a dit que le cinéma (anglais) était mort ?

Romain Genissel

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