Exposition : Calder, les années parisiennes

Après New York, l’exposition s’installe au Centre Pompidou jusqu’au 20 juillet.

Détournant une approche chronologique et classique de l’œuvre, l’exposition mise plutôt sur une articulation autour des trois grands sujets de recherche – trois « espaces » –, ayant occupé Calder de 1926 à 1933 : le Cirque Calder, la sculpture en fil de fer et les mobiles abstraits.

L'entrée en matière est donc ludique et conviviale : le Cirque Calder nous amène à la rencontre de l’artiste dans l’intimité même de l’enfance et du jeu. Ses dessins aux annotations indéchiffrables et fantasques ; la vidéo où Calder lui-même (ses mains, créatrices de vie et de mouvement) manipule ses acrobates, animaux et autres curiosités, faits de fils de fer, bouchons de liège, morceaux de tissu, ressorts et ficelles ; le chapiteau monté intégralement ; tout cela fait découvrir au visiteur l’esprit de l’artiste-ingénieur (diplômé en génie mécanique), bricoleur créatif et performer malicieux. Les enfants s'amusent et veulent manipuler eux aussi, on rêve doucement au compagnon de jeu idéal qui n'aurait rien perdu de l’émerveillement de l'enfance. Mais au-delà du jeu, Calder initie le début d’une réelle recherche esthétique sur le mouvement et l’équilibre. « Dans l’ombre du labyrinthe, entre ses mains, le fil de fer est promu fil d’Ariane », nous avait prévenu Édouard Ramond dès le début de l'exposition : le visiteur glisse d'une salle à l'autre, sûr d'être guidé par l'artiste.

Le second espace est véritablement fascinant. Il présente un ensemble de sculptures entièrement faites de fils de fer, allant de la miniature à la taille humaine : un Hercule au lion, des animaux et des athlètes, un policier anglais... Les volumes sont simplement suggérés d'un trait gracile comme esquissé dans l'air, vibrant au moindre souffle – mais dont on ressent pleinement la pesanteur d'une épaisseur et d'un modelé. Il n'y a qu'à voir les croquis de Calder pour apprécier toute la différence entre l'étude préparatoire et la réalisation en trois dimensions. Calder est bon dessinateur et caricaturiste, mais c'est avec la précision et la beauté de ses portraits de fil de fer qu'il surprend réellement. Sa femme, Léger, Miró, Duchamp, Kiki de Montparnasse et autres grandes figures de l’époque passent sous ses mains habiles, qui semblent tracer spontanément un portrait dans l’espace. Le regard se perd à suivre le chemin ininterrompu du fil de fer, et en s’approchant de plus près, on voit les visages osciller légèrement, suggestion d'une douce fragilité : « tout labyrinthe implique une inquiétude, une énigme quant au visage » (Bonitzer). Calder nous perd de plus en plus, à la recherche du mouvement, de la vibration perpétuelle, de l'équilibre.

Il découvre Mondrian et l'abstraction : le dernier espace se compose d’une série de « mobiles » (selon le terme donné par Duchamp), figures abstraites et polychromatiques. Là se fait encore plus perceptible la vibration des éléments, et les structures semblent entrer en résonance avec le visiteur. Sartre définit le mobile comme « une petite fête locale, un objet défini par son mouvement et qui n’existe pas en dehors de lui ». A l'aide d'agencements épurés dont l'équilibre suggère à la fois la pérennité incroyable d'un univers de planètes colorées, et la fragilité d'une matière soumise aux lois physiques, Calder recherche ce qui nous touche dans la réalité : une certaine vérité du mouvement.

Ana Kaschcett et Piera Simon

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