Home


HOME


Réalisé par Ursula Meier




Pour son premier long métrage de fiction, Ursula Meier réalise un coup de maître. Home est un film parfaitement maîtrisé, autant du point de vue de son propos que de sa forme. L’histoire est celle d’une famille un peu décalée qui a fait le choix de vivre éloignée du reste du monde au beau milieu d’une campagne idyllique. Mais leur rêve est menacé par la présence d’une autoroute qui déchire le paysage en deux. Leur pire crainte devient alors réalité : l’autoroute est mise en circulation, transformant leur havre de paix en bien faible bouclier contre le concert assourdissant du vacarme des voitures qui passent et des problèmes de pollution que cela engendre.

La famille est décalée par son choix étrange, voire absurde, de vivre dans cette maison en ermite malgré la présence de cette autoroute et surtout de s’y complaire sans besoin de voir ailleurs. Le père ne s’en va que pour travailler, et les deux plus jeunes pour aller à l’école. Ce sont les deux seuls liens avec l’extérieur, que l’on ne verra jamais dans le film, la maison étant l’unique décor. Cette famille surprend également par les liens fusionnels, qui peuvent paraître utopiques, unissant chacun. Le début du film en est une parfaite illustration avec la mère, le père et les trois enfants qui jouent ensemble au hockey sur rollers dans une euphorie collective. Cela se voit aussi par exemple lorsque Judith la grande sœur d’une vingtaine d’année prend son bain avec son petit frère, Julien, lui d’une dizaine d’année, ou lorsqu’elle partage une cigarette avec sa mère. Les comportements de la mère et de la fille aînée posent d’ailleurs le plus de questions : l’une passe ses journées à faire les corvées ménagères en s’y complaisant tandis que l’autre lézarde en maillot de bain sur un transat en écoutant de la musique hard rock au volume maximal.
Mais cette famille n’est pas si utopique qu’elle en a l’air ; en révélant tous ses petits problèmes, elle dévoile sa complexité et apparaît plus banale et normale. Par exemple Marion, la fille du milieu, est une adolescente très pudique et complexée qui a une relation très conflictuelle avec sa sœur. De plus, elle s’étonne du mode de vie de sa mère et lui demande pourquoi elle reste enfermée dans cette maison, le spectateur n’est donc pas seul à s’interroger. Face à la mise en circulation de cette autoroute, le film ne se transforme donc pas en comédie déjantée mais au contraire, permet l’approfondissement de la psychologie complexe des personnages. Le film se transforme en huit clos où dans son repliement sur elle-même, la famille va progressivement abandonner sa gaîté. La mise en scène va de pair avec ce cheminement : la caméra à l’épaule du début laisse place à des plans fixes posés, géométriques, laissant signifier l’enferment progressif des personnages. De même, les couleurs chatoyantes du début seront remplacées par l’obscurité. Au côté décalé et léger du début du film s’insinue donc peu à peu la gravité du bouleversement subi par cette famille.

Dorothée Jouan

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