Chronique : Dennis Hopper et le Nouvel Hollywood

A la cinémathèque française
Ces derniers mois, un souffle nouveau a infiltré les murs austères de la cinémathèque française en faisant la part belle à la génération dite des Seventies et à une de ses figures imposantes, le démentiel Dennis Hopper. Accompagnée d’une rétrospective des films de l’acteur- réalisateur, d’une leçon (d’anecdotes) de cinéma assez faramineuse, l’exposition invite à s’assurer une nouvelle fois de l’effervescence créatrice d’une époque qui n’a pas fini de faire trembler notre présent. Le fonds de collection prêté à la cinémathèque s’avère suffisamment conséquent pour établir un parcours ouvert entre quatre salles où sont exposées de multiples supports qui révèlent bien le kaléidoscopique champ artistique de l’époque. Le choix d’un parcours linéaire permet de bien saisir le trajet d’un artiste aux milles visages, consumé puis résucité par d’incessantes influences comme en perpétuel réaction des événements qui secouèrent la dite période. L’œil se ballade dans le lieu en prenant acte que l’artiste Hopper s’est révélé avant tout par la communauté, plus ou moins souterraine, qui l’entoure sur la voie de son éclosion (on voit Hopper sur une photo de tournage lire La Méthode de Stanislavski, manifeste de l’Actor Studio). De ses premiers pas fringants devant l’objectif avec James Dean jusqu’à l’immortalisation de sa figure par une sérigraphie warholienne, Dennis Hopper a imposé une image d’artiste baroudeur et de cowboy esthète. Son parcours esthétique inspiré par des mouvements underground et des substances psychotropes métaphorise, depuis Easy Rider, une énergie se dépensant à perte et fonctionnant à plein. Les traces marquantes de ses interprétations, de la rutilante jeep-car d’Easy Rider jusqu’au cœur de la démesure d’Apocalypse Now en passant par la dérive mélancolique d’un vétéran dans Tracks, permettent de bien saisir sa foudroyante personnalité. A la manière de cette performance hallucinée où l’acteur cherche à se faire dynamiter par une charge d’explosifs, on peut bien avouer que Dennis Hopper est un véritable survivant (l’influence de la culture hip hop réglée avec Colors le prouve admirablement). Aussi, l’expo donne à voir comment le cinéma de cette époque inspire les toiles éclatées de Basquiat, semble hanter l’expressionnisme abstrait et va jusqu’à entrainer la peinture à se modeler à son image. Finalement, le spectateur ne ressort pas abattu par un fléchage trop fermé et la lourdeur habituelle de la muséification du cinéma. Au contraire, cette escapade précise dans l’œuvre d’Hopper offre une libre circulation dans une émulation esthétique incroyable où la puissance formelle frappe à chaque instant. On ne peut même s’empêcher de revisiter une fois encore ce haut lieu de l’énergie contestataire et cette période fascinante qui demeure éternellement rattachée à celle d’un rêve évanoui. Et merde, Dennis Hopper au musée… « We blew it ».
Romain Genissel

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