Burn After Reading

de Joel Coen et écrit par Ethan Coen




L’œuvre conséquente des Frères Coen a toujours été conduite selon un art de la bifurcation qui voit les comédies poético-absurdes plus ou moins marquantes succéder à des tragi-comédies dont l’accent noir leur fait porter un certain poids. Ainsi, dans la foulée d’un No Country For Old Men flamboyant et dépressif, la fratrie Coen revient aux sources de la « screwball comédie » pour un film vite enterré par de paresseuses ficelles scénaristiques et finalement aussi léger que le souffle d’une brise sur les fondations d’un gratte ciel.

Porté par un casting poids lourd où les stars viennent cabotiner et se travestir en ringards décérébrés, Burn After Reading loue la ritournelle d’un monde absurde sur lequel chaque nigaud vient glisser et finit par être totalement dépassé. Le système Coen repose donc habituellement sur ce joyeux foutraque pour inventer des perles de noir dialogue et imaginer des rebondissements délurés. Or, ce film qui clôture la trilogie des idiots ouverte avec O’ Brother, s’avère construit telle une parenthèse farfelue qui se referme comme elle s’était ouverte, suivant l’aveu fatal d’un récit faiblard (faussement incongru) et l’emprise étouffante d’un scénario tournant à vide. Le pitch alambiqué du nouveau Coen mystifie donc le spectateur par son casting de façade et les pistes qu’il est censé ouvrir… Mais derrière tout cet apparat, on pourrait presque voir se dessiner la page blanche de Barton Fink.

Osbourne Cox (Malkovich) agent de la CIA tient à ruminer son dégoût du monde et son frais licenciement en écrivant ses mémoires alcoolisées dont tout le monde, a priori, se fout. Mais le jour où sa colérique de femme oublie le fichier les contenant dans un navrant club de fitness, les inénarrables demeurés (Brad Pitt et Frances McDormand) qui les récupèrent décident de faire chanter Osbourne Cox (nom qui, convenons-en, accapare dans la bouche de Pitt une résonance mystique). Ce beau petit monde est complété par George qui enfile ici un rôle de dragueur ridicule, passionné de sex toys, qui attire ses proies sur la toile et dont les seuls bons mots seront finalement ce désir de courir formulé à chaque reprise d’une nouvelle coucherie.

Notre scénariste a donc imaginé cette brochette d’acteurs s’observer en plissant bien les sourcils comme pour se jouer du film d’espions et de la paranoïa ambiante d’un monde sur le qui-vive. Les Coen ne parviennent pas non plus à offrir, au fil du récit, des personnages sortant un minimum de l’archétype qui leur a été collé sur le front et du centre de la cour de récré où ils se sont fatalement emprisonnés. Alors, l’espèce de mécanique volontairement absurde qui nous invite à survoler les différentes vignettes amuse à première vue mais lasse finalement à mesure que le film s’enraye dans un suspense factice et inoffensif.

Romain Genissel


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