Hunger

de Steve McQueen

S'agissant de sa première réalisation, on peut dire sans prétention que Steve McQueen a frappé très fort. La mise en scène de Steve McQueen est une des plus fascinantes jamais vu sur grand écran. Un sentiment profond de mal-être se dégage de cette oeuvre (à présent) majeure du cinéma indépendant britannique.

Le réalisateur se penche sur le quotidien de soixante-quinze prisonniers, tous membres de l'IRA. Dans le but d'obtenir le statut politique et face à la rigueur et l'inflexibilité de Thatcher, ils décident à l'unanimité d'entamer une grève de l'hygiène et de la faim, en refusant par exemple de porter les vêtements de prisonniers ordinaires.

Le regard intérieur du réalisateur sur l'univers carcéral où la dignité humaine n'a plus cours, où la cruauté physique infligée est permanente, où les sévices sexuels et autres préjugés religieux sont récurrents ainsi que la manière dont il filme les accès de violence extrêmes des gardiens ne peuvent laisser indifférents les spectateurs.

Se divisant en trois grandes parties comprenant le conflit avec les gardiens, puis le dialogue entre Bobby Sands et le prêtre de son enfance pour clore sur la grève de la faim qui reste le passage le plus émotionnel du film, le scénario se concentre sur la dégradation du corps humain avec comme seule alternative possible, pour faire fléchir les autorités et attirer l'opinion publique, le recours à la grève de la faim.

Le fait que Steve McQueen refuse de donner raison à qui que ce soit rend le film encore plus intéressant et évite de ce fait la simplicité ; l'IRA était loin d'être composée d'enfants de choeur. Hunger est une réalisation oppressante, absorbante et extraordinaire qui a rarement été vue à l'écran. C'est un film à ne surtout pas manquer. Une mise en scène nerveuse et cette atmosphère intense que l'on peut ressentir du début à la fin vous scotche littéralement à votre fauteuil. La capacité de Steve McQueen à maîtriser son sujet est clairement évidente malgré une certaine contemplation pour la souffrance. Il est totalement impossible de ne pas être ému par ce tour de force surtout quand on prend conscience de ce que ces prisonniers ont pu et dû endurer.

Le film a remporté la caméra d'or au Festival de Cannes 2008, une récompense amplement méritée pour une oeuvre inclassable. La minutie avec laquelle Steve Mc Queen capte le moindre souffle, les émotions à peine perceptibles, les raccords de regards parsemés çà et là d'instants empreints de poésie viennent contrebalancer la tension extrême du film et permettent au spectateur de reprendre ses esprits avant l'explosion de violence de la scène suivante. Malgré sa brutalité, le film conserve la stature d'un drame courageux. A mi-chemin entre documentaire et film politique, Hunger est un film bouleversant.

Frédéric Guilleman




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