Louise-Michel

LOUISE-MICHEL

Écrit et réalisé par Benoît Délépine et Gustave de Kerven





On n’attendait pas vraiment nos voisins du Groland sur cette voie-là après l’échec avéré d’Avida, film pseudo arty servi très froid qui lorgnait du côté de l’humour noir des surréalistes. Secouant notre minable PAF depuis des années, le longiligne Délépine et l’ours poilu Kervern pulvérisent avec leur cinéma les discours bien pensants et les formes toujours plus mièvres d’une frange désespérante du cinéma français. De retour avec Louise-Michel, nos deux trublions reprennent le dispositif road trip d’Aaltra en incrustant leur dégoût pour ces patrons-voyous jouant avec leurs employés comme à la roulette russe …

La frappe oculaire que représente Louise-Michel tombe à pic à l’orée de 2009 où de jeunes gauchistes sont vite devenus les boucs émissaires d’un gouvernement qui veut agiter le spectre de l’ennemi intérieur. Sa résonance semble de même parfaitement synchrone avec le krach de cette année face auquel on injecte des centaines de millions qui volent au dessus de nos têtes ahuries et se glissent dans des comptes bancaires virtuels. L’employé français qui aurait reçu une lettre l’avertissant que le manque à gagner de son entreprise l’oblige à se défaire de lui, pourrait alors : 1) se serrer la ceinture et reprendre, pour les fêtes, un peu de pâté de foie 2) ne plus mettre de l’eau dans son vin et tenter de rappeler à nos minables PDG qu’ils ne l’emporteront pas au paradis et que la vengeance est un plat qui se mange froid….

Louise-Michel parce qu’il vient de cette contrée estampillée Groland opte pour la seconde voie. Très loin de l’onirique galaxie d’Hollywood, dans une région sinistrée du nord de la France, Louise (Yolande Moreau toujours plus grande et folle), analphabète tenace et dévoreuse de pigeon, découvre un jour avec ses collègues que son usine a été délocalisée en douce. Avec leurs indemnisations de pacotille, la troupe décide d’engager un tueur loufoque (Michel alias Bouli Lanners, belge chevelu, auteur du sombre et génial Eldoraldo) qui se fait déjà dessus lorsqu’il doit abattre un malheureux canin. Engagés dans une entreprise totalement déjantée, les deux camarades vont transporter leur humble débilité à la recherche de leur cible mouvante.

Le film s’aventure alors dans des régions absurdes et salées tout en proposant ce regard distancié qui détermine toute l’originalité de sa proposition esthétique. On retrouve alors ces cadrages fixes et tranchants, souvent travaillés par des encadrements et ouvrant à de brillants jeux avec le hors-champ. Mais la loufoquerie que distille Louise-Michel provient surtout d’une durée qui aujourd'hui, de plus en plus subversive, tire chaque séquence vers ces temps morts où plus rien ne semble avoir de sens. De ce sens perdu, en termes de signification et de direction, Louise et Michel en sont les pantins qui semblent l’avoir quelque peu refondé en fêtant, ivres mort, dans la villa de leur patron ce jouissif carnage.

Romain Genissel

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