Mister Lonely


MISTER LONELY


Réalisé par Harmory Korine





Moonwalk sans parachute : De retour au cinéma après 8 ans de passage à vide sous drogues et antidépresseurs, Harmony Korine est resté haut perché. Et son film, pour cause, fait battre des ailes.

Mister Lonely sabre le post-moderne en donnant une nouvelle vie aux icônes de la vie moderne : un Michaël Jackson (Diego Luna), jeune latino perdu sans collier, trouve sur sa déroute une Marilyn Monroe (Samantha Morton) prête à le prendre en laisse. Elle l'extrait de Paris pour l'emmener au royaume des sosies, sur lequel règne Charlie Chaplin (Denis Lavant), Abraham Lincoln, ou encore le Petit Chaperon Rouge. Pendant ce temps, un prêtre douteux (Werner Herzog) largue des nonnes intrépides sur les villages pauvres d'Amérique du Sud. Après des ballets célestes sans parachute, ces émissaires de Dieu s'écrasent au sol sans se casser une vertèbre : alléluïa.

Opérant un va-et-vient amoureux entre ces deux intrigues (les sosies/les nonnes), Harmony Korine dresse le portrait d'un monde candide, où la poésie se niche à chaque battement de paupière. Les hommes fuient les villes et coexistent avec des animaux, Jackson fait du moonwalk en face d'un lac et ressemble soudain à Jésus marchant sur l'eau. C'est ainsi que l'ironie du conteur émerge par instant, aiguisée sur la pierre du cynisme. Car si chacun des personnages tente de vivre son idéal, ils ne sont en réalité rien sans ces "gens ordinaires" qui assistent à leur show perpétuel. Or cette audience est terrifiante, parce qu'elle est réduite à néant. Gâteux emprisonnés en maison de retraite, pelés ramassés dans une salle de spectacle faite de bric et de broc, pécheur adultère interdit d'aller retrouver ceux qu'il aime… tous sont condamnés, de fait, à rester à terre.

De nombreux clins d'œil à l'œuvre d'Herzog émaillent le récit, à travers le rôle de ce dernier d'abord, qui singe les Médecins Volants de l'Afrique de l'Est, mais aussi par le truchement des animaux de la ferme (de la poule, dont le sex appeal fascine l'enfant "sauvage", jusqu'aux moutons qui doivent être sacrifiés sous les yeux larmoyants de la communauté de sosies). Harmony Korine semble alors ébaucher une fable humaniste à double tranchant. La rédemption est accordée à ceux qui vivent leur propre rêve, mais qui n'oublient pas qui ils sont; et pour cela, il doivent contempler leur reflet dans l'ailleurs, au cœur de l'Autre.

Nora Mandray

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