Harvey Milk

Réalisé par Gus Van Sant
Avec Sean Penn



Suite à sa trilogie expérimentale et au sublime film sonore qu’est Paranoïd Park, Gus Van Sant revient à une forme plus traditionnelle afin de dépeindre le combat du militant gay Harvey Milk qu’incarne ici Sean Penn. Alors que les apartés homos revenaient inlassablement dans ses derniers films, et pouvaient décontenancer à force, Vant Sant s’approprie vraiment le sujet et livre un biopic davantage tourné sur la lutte politique que la forme romanesque accolée au genre.


Tout commence comme un véritable biopic avec Sean Penn, visage creusé, corps amaigri qui enregistre sa vie tumultueuse sur les bandes d’un magnétophone. Narrateur subjectif et de premier instance, Harvey Milk se penche sur son parcours qui l’a vu passé de confidentiel homo à activiste politique jusqu’à son assassinat dans les bureaux de la mairie en 78. A travers ce trajet fulgurant, c’est bel et bien une prise de conscience et un engagement pour la cause des minorités que l’on traverse tout au long de ces sept années historiques.

Le jeune et broussailleux Harvey Milk débarque avec son ami homosexuel en 72 à San Francisco dans le quartier de Castro. Sa tendance sexuelle et son désir se mêler à ses pairs, l’invite à imaginer un berceau où la communauté gay pourrait vivre, échanger et sortir du placard où elle se terre. Le puritanisme qui travaille au corps la société américaine ne semble pas prêt à reconnaître une minorité qu’elle juge de facto déviante, malsaine et maladive. Le lynchage et la répression faisant loi, c’est une mobilisation et une lutte de longue haleine qui va hisser Harvey Milk en tant que porte parole sur les tribunes et jusque dans les urnes.

En parallèle d’une vie privée marquée par de palpables soubresauts, Milk s’emploie donc à mobiliser toutes les énergies en vue de défaire l’image dégradante des homosexuels dans les esprits américains. Van Sant inscrit alors des images d’archives où ses adversaires politiques ultra conservateurs s’acharnent à salir la communauté et à faire des parallèles douteux avec la pédophilie. Le cinéaste se permet même un montage godardien qui scande les différents tracts imprimés en faveur de la cause tout en dévoilant les réseaux à créer. Les personnages situés dans l’entourage de Milk déjouent l’écueil d’une glorification centrée sur Penn et grandissent au fur et à mesure de l’éveil politique. Et même si on a l’impression que le film s’éteint un peu lorsque Milk est parvenu à gravir les marches de la mairie, c’est lors de sa confrontation avec l’adversaire (Josh Brolin) que les interprétations s’aiguisent et prennent leur envol. Le final tragique où l’on se plaît à revoir une belle déambulation, achève de traduire la force discrète de la réalisation de Gus Van Sant, portée ici par le génial Sean Penn.

Romain Genissel




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