Bellamy


BELLAMY


Réalisé par Claude Chabrol




Le dernier Chabrol est sans conteste la plus belle réussite du cinéaste depuis plusieurs années. A travers une intrigue policière qui à première vue semble mince, le réalisateur dresse un portrait subtil de chaque personnage dont les psychologies complexes sont peu à peu dévoilées. Pas de doute le film est à la hauteur de la première collaboration entre Chabrol et Depardieu. L’acteur grandiose se fond parfaitement dans le rôle du commissaire Bellamy, grâce à un jeu d’une finesse et d’une sensibilité saisissante.

La première séquence mystérieuse du film témoigne de la virtuosité de Chabrol à se jouer du spectateur en disséminant des indices alors que l’intérêt est ailleurs. Un cimetière, la tombe de Georges Brassens, quelqu’un hors champ qui sifflote une musique du chanteur et la vision cauchemardesque d’un corps calciné près d’une voiture en ruine au pied d’une falaise. Quelques clefs d’une enquête qui sera confiée à un certain commissaire Leblanc, que nous ne verrons jamais du film. Le commissaire Bellamy, lui, est en vacances avec sa femme à Nîmes et s’il est confronté à l’affaire, c’est parce qu’un homme effrayé se disant coupable d’un meurtre se présente chez lui afin de lui demander son aide. Bellamy s’intéresse au cas de cet homme et bien qu’en vacances, se lance dans l’enquête à titre privé, et ne tarde d’ailleurs pas à élucider certains non-dits et approximations. Cela semble même trop simple. Mais le nœud dramatique n’est qu’un prétexte, Chabrol s’intéresse surtout à la personnalité du commissaire, dont la personnalité de Depardieu lui-même ne semble pas totalement étrangère. L’ambiguïté du personnage s’esquisse à travers sa relation avec ses proches : sa femme, interprétée par Marie Bunel, et son frère, interprété par Clovis Cornillac. Ces deux personnages semblent être la face lumineuse et la face sombre de la vie de Paul Bellamy. Une femme pétillante, qui en plus de jouer le rôle de conseillère dans les enquêtes de son mari, est synonyme d’amour et de désir. Un frère morose aux tendances alcooliques, qui cache de sombres souvenirs qui remontent en filigrane à la surface. Ainsi, en contre point de la perspicacité du commissaire dans ses enquêtes, apparaît la fragilité d’un homme hanté par des démons que l’engagement dans son travail ne parvient pas à effacer. Une fausse simplicité émane également de la mise en scène, en réalité d’une précision remarquable. Chabrol incarne cette idée même selon laquelle la caméra est avant tout au service d’une histoire. Chaque mouvement de caméra est millimétré et fort en signification. Le projet ambitieux de Bellamy respecte donc ses promesses où Chabrol pose des questions profondes sur l’identité. A travers cette enquête, le commissaire opère une certaine forme de remise en question, ravivée par la confrontation avec son frère, qui le ramène à lui-même et à ses motivations dans la vie.

Dorothée Jouan

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