Réédition : A Cause d’un Assassinat


THE PARALLAX VIEW

A Cause d’un Assassinat

Réalisé par Alan J. Pakula (1974)




C’est à cause d’un assassinat, celui du sénateur Carroll, par lequel débute le film, que se perpétuent d’autres meurtres, à savoir ceux des témoins du premier. La journaliste et témoin du meurtre du sénateur, Lee Carter (Paula Prentiss) s’en rend compte et a juste le temps d’en avertir son confrère et amant Joe Frady (Warren Beatty) avant de succomber à une mort « accidentelle ». Sur la piste d’un complot, celui-ci découvre l’existence de la Parallax Corporation, société qui s’avère recruter des hommes marginaux pour tuer. Il tente alors d’infiltrer la conspiration.

Inspiré largement par l’assassinat de Kennedy (1963) dont l’ombre flotte sur le film, Alan J. Pakula nous offre une réflexion sur le contexte politique et le climat social qui règne alors, à savoir une ère de la suspicion et de la paranoïa. Déjà dans Klute, Pakula remettait en cause les sphères du pouvoir, mais dorénavant il s’attaquera également au domaine politique.

La Parallax View est une vue aiguisée, un double point de vue sur l’objet qu’on regarde. C’est ce que le tueur d’élite apprend à la Parallax Corporation, et c’est ce que le spectateur apprend avec la mise en scène d’Alan J. Pakula, ouvrir l’œil et aiguiser son regard contre un monde politique désormais atteint. A l’image du totem qui ouvre le film et qui bouche la vue, nous empêchant de prime abord de voir la tour où le meurtre aura lieu ; ce symbole de notre croyance aveugle et de notre foi inébranlable, est un obstacle à notre vision. Aussi faut il se décaler avec la caméra, changer de point de vue, pour voir, car voir, c’est pouvoir.

Film du complot, mais également film de la solitude, car Pakula aime écraser son personnage dans des décors vastes, par de hauts immeubles qui le rétrécisse et le rende insignifiant et aime lui faire traverser des lieux froids ou désertiques. Le justicier pakulien par excellence, c’est le journaliste avide de vérité. Cette soif frénétique envahira autant les journalistes incarnés par Robert Redford et Dustin Hoffmann dans Les Hommes du Président, qu’elle s’insinuera chez Denzel Washington dans L’affaire Pélican. Mais alors que la lumière éblouissait métaphoriquement le journal dans les Hommes du Président, le journal dans lequel travaille Joe Frady reste toujours dans l’ombre, de la même manière que la vérité. Cette lumière blanche et aveuglante vers laquelle Joe Frady court à la fin lui sera fatale, mais la lumière du tir permettra de voir le meurtrier pendant une fraction de secondes (sauf si on peut mettre sur pause bien sûr) et de faire éclater la vérité littéralement, du moins pour une seconde...

Ce thriller politique met en place une esthétique nerveuse, crée à la fois par une piste sonore sobre et par la musique angoissante de Michael Small, ainsi que par le travail du directeur photo, Gordon Willis. Dit « le Prince des Ténèbres », il avait déjà travaillé sur Le Parrain (1972) cette façon d’éclairer les personnages dans l’obscurité. Film d’autant plus angoissant que finalement, on ne saura jamais qui sont ces hommes de la Parallax Corporation. Cercle vicieux et cynique aussi, où s’engouffre les assassinats et les verdicts, rien ne change, le film se referme sur la même idée avec laquelle il s’était ouvert, mis à part que maintenant on sait, on a vu... En réponse au travelling avant du tribunal, auquel nous invitait d’abord le film, se substitue à la fin un travelling arrière magistral, qui semble nous indiquer que la réponse ne se trouve pas là, la vérité n’est pas là, elle a disparu dans ce halo noir qui entoure cette Cour, image terrifiante de justice kafkaïenne.

Magdalena Krzaczynski

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