DVD : Pi

PI

Écrit et réalisé par Darren Aronofsky




Premier film du réalisateur, Pi constitue ce véritable électrochoc qui n’a très peu à voir avec Requiem for a Dream. Alors que Requiem for a Dream inscrit le mécanisme des dépendances dans un récit de la clôture, Pi prend acte d’une certaine imprévisibilité et parvient à poétiser le monde. Film centré sur la torture et la souffrance mentale d’un jeune scientifique, Pi affirme, par sa forme ultra contrastée, une furieuse quête d’infini.

Max Cohen est un mathématicien surdoué qui cherche à comprendre le langage de la nature et la bourse par le prisme des chiffres et des sciences. Ayant désobéi à sa mère dès son plus jeune âge, Cohen a été frappé par la lumière de ce soleil qu’il ne devait pas mirer. L’expérience lui a valu une sorte de séquelle psychique qui l’a poussé à creuser la surface des choses et scruter les formes secrètement présentes au monde (le nombre d’or, la spirale…). Evoluant dans le quartier juif de New York, le trentenaire va être la proie de son obsession mathématique et d’une bande de fondamentalistes qui cherche à s’accaparer les réponses perdues au cœur de son esprit brillant et confus.

Le protagoniste de Pi est donc celui, tourmenté, qui désirant reconnaître le code qui régirait les choses se voit, dans sa quête, être totalement dépassé par les événements. Obsédé par tout ce qui touche aux schémas proches de l’infini, Cohen est aidé par un vieux scientifique qui le conseille et lui indique d’obscures réponses. La voie de la sagesse est alors en prise avec la fougue du jeune disciple. Ne parvenant à résoudre ses calculs (existentiels), le jeune homme s’enferme, consomme des amphétamines et finit par se triturer le cerveau. Il est alors pris dans le vertige des folles dépendances.

Tourné dans un noir et blanc aux tons durs et cassés, Pi offre à voir une plastique en perpétuelle ébullition. La texture granuleuse de la photographie implique un parti pris esthétique qui, fondé sur les contrastes d’intensité, mobilise toutes sortes d’effets perceptifs. Du leitmotiv musical qui bascule de la suspension à des breaks techno, des variations intenses d’échelle de plans, c’est toute une dynamique de montage qui se met en action. La séquence de paranoïa où Cohen est poursuivi dans les souterrains du métro est en cela exemplaire du travail d’impact visuel qui régit les débuts d’Aronofsky. De même, les flashs brefs et stylisés où le personnage absorbe ses pilules réfléchissent bien la mécanique de déchéance que l’on retrouvera dans Requiem for a Dream. Mais là où Requiem for a Dream, en dépit de sa forme virtuose, emprisonnait ses personnages dans un processus sordide et cadenassé, Pi ouvre à de beaux passages de liberté. Ce qui fait de Pi un bel essai par rapport à un Requiem for a Dream démonstratif et destiné aux teenagers en mal de sensations.

Romain Genissel

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