Réédition : Deux Têtes Folles (1964)


DEUX TÊTES FOLLES


Réalisé par Richard Quine (1964)




Déjà dans L'adorable Voisine (1958), Richard Quine pratiquait avec humour l'auto-dérision en associant son nom avec la statuette la plus minuscule du générique. Il en profitait aussi pour récupérer le couple Novak/Stewart qui s'aimait vaporeusement dans l'univers quotidien de Vertigo (1958 idem), histoire d'inverser les choses et de placer dans un univers magique et incroyable des amants enfin palpables.

Quelques années plus tard, Quine ne se joue plus d'un film mais de l'intégralité du système hollywoodien. Il faut dire que la décennie méritait un retour, et qu'entre la fin de l'âge d'or et le renouveau du nouvel Hollywood il y avait à faire. Et puis la Nouvelle Vague française inspirait beaucoup – l'action se situe donc, comme le titre anglais l'indique (Paris When it Sizzles), à Paris.
Audrey Hepburn joue une simple secrétaire, engagée par William Holden pour taper le scénario auquel il est supposé travailler depuis des mois alors qu'il n'a que des feuilles blanches à lui proposer à son arrivée. Mais qu'importe : un peu de persuasion suffit, et sous les yeux émerveillés de la jeune dactylo il ne fait bientôt aucun doute que le garçon et la fille se rencontrent en page quatre, que le premier rebondissement a lieu en page six et le premier baiser en treize. Il suffit de remplir les pages blanches, étalées par terre dans un souci de précision géographique et temporelle.

C'est bien plus drôle qu'un film de la Nouvelle Vague, nous confiera Audrey qui en a tapé d'autres.

Les deux personnages s'attellent donc à la tâche, et de retours rapides en rebondissement, de ratés en propositions loufoques, ils tâchent d'écrire le fameux scénario. Ils s'y mettent en scène, un peu, puis beaucoup. Ça passe par tous les genres hollywoodiens, et Audrey avinée ira jusqu'à proposer d'être poursuivie par un vampire avant de s'échapper en avion... Holden, lui, renonce dès le début à remplir un Paris du quatorze juillet avec des inspecteurs en gabardines, mais il ne rechigne pas à ce que son héros s'aventure sur les plateaux désertés d'un studio français pour y voler les bobines d'un film prêt à sortir. On a donc droit à la traversée de la jungle emplie de bêtes féroces et, censure oblige, à la partie de tric-trac survenant immanquablement au moment où le héros allait se jeter sur le lit avec une héroïne peu vêtue.

Scénario ficelé avec adresse qui s'interroge sur le credo hollywoodien : pour ne citer que Minnelli, « le monde est une scène, et la scène est un monde de divertissement ». Mais si chez Minnelli on est heureux en faisant le clown, chez Quine la réalité quoiqu'animée par la fiction prévaut. Unfaithfully Yours proposait la même chose : passer par la thérapie de la fiction pour reconnaître que la réalité a ses bons côtés. Chez Quine, l'amour prévaut aussi, et basé sur l'illusion il finit par voler de ses propres ailes.

Piera Simon

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