Chéri

de Stephen Frears




Vingt ans après Les Liaisons Dangereuses (1988), Stephen Frears et le scénariste Christopher Hampton replongent dans l’univers du libertinage. Après Laclos, c’est un autre roman français qu’ils adaptent, celui de Colette. Valmont et Merteuil cèdent la place à « Chéri » et « Nounoune ». Derrière ces doux surnoms se cachent la nouvelle liaison dangereuse : Fred Peloux (Rupert Friend), fils de courtisane, et Léa de Lonval (Michelle Pfeiffer) courtisane fraîchement retirée.

Reprendre Michelle Pfeiffer n’est pas anodin. Elle, qui jouait l’innocence pure dans le monde des Liaisons, se retrouve à présent reconvertie en courtisane. La jeune et émotive Madame de Tourvel se transforme ainsi en quinquagénaire qui connaît par cœur la règle du jeu : ne jamais tomber amoureuse. Michelle Pfeiffer incarne la liaison entre ces deux films, dans lesquels vertu et vice se laissent piéger par l’amour.

Le film s’ouvre avec la voix de son metteur en scène, signature vocale, mais également commentaire sur le monde des courtisanes, source de pouvoir toute puissante. Monde où seule la volupté compte, où le plaisir est le seul mot d’ordre, et le mot « amour » à proscrire. C’est un monde de luxe et de luxure, d’opulence et d’apparence. Mais le monde du libertinage prend ici des apparences de vaudeville. Frears avoue d’ailleurs avoir pensé à Lubitsch et à Mitchell Leisen pour ce film. Si le monde libertin des Liaisons que nous connaissions, révélait une société secrète et machiavélique, où tout n’était que double, dans Chéri, nous sommes dans une société libre et ouverte, où c’est le grotesque qui domine. L’élégance et la classe de Merteuil est remplacée par la grossièreté de Madame Peloux. Du glamoureux monde libertin ne reste plus que quelques vieilles femmes opulentes, chauves, seules et délaissées. Monde rejeté certes, mais également repoussant. Il suffit de se rappeler le moment où la laide et hideuse vieille courtisane embrasse son jeune amant. Leur baiser, filmé en gros plan, achève de nous écœurer. C’est une mascarade.

A cette société libertine ridicule, contraste l’histoire d’amour de Chéri et Léa. Frears souligne la différence d’âge avec une grande sensibilité, un grand lyrisme et insiste sur le rapprochement des corps dans de très gros plans. Il filme les deux visages, comme s’ils se reflétaient l’un l’autre, renvoyaient l’un à l’autre, la maturité de l’un venant compléter la jeunesse de l’autre. Ils ne forment qu’un. Même quand ils sont séparés, Frears les rassemblent dans ses montages alternés. Sans aucune raison, ils s’étaient embrassés, aimés, puis séparés, pour comprendre ensuite, trop tard, qu’ils s’agissaient du grand amour, celui qu’on ne rencontre qu’une fois. Doux mélodrame, aux teintes sucrées, aux décors somptueux et à la musique majestueuse...

Magdalena Krzaczynski



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