Le sens de la vie pour 9.99$

de Tatia Rosenthal


Premier long-métrage de la réalisatrice israëlo-américaine Tatia Rosenthal, Le sens de la vie pour 9.99$ est un film d’animation d’une grande poésie. Drôle, mélancolique, cynique ou pathétique, le regard incisif que porte Tatia Rosenthal sur les nouvelles de l’écrivain israélien Etgar Keret (également co-scénariste) ravirait même les moins réceptifs aux petites figurines de pâte à modeler.
Le stop motion révèle encore une fois ici sa riche palette de possibilités techniques ainsi que l’émerveillement qu’elle semble créer inévitablement. Le réalisme des décors et des expressions, la précision des mouvements, nous font plonger dans l’univers des habitants d’un immeuble de métropole, qui pourrait être aussi bien Sydney que Tel Aviv. Tout commence au petit matin par une scène apparemment anodine : le SDF qui demande une cigarette puis un dollar pour s’acheter un café, l’embarras du père de famille respectable partant travailler qui ne veut se résoudre à céder au chantage. Son fils aîné tombe follement amoureux d’un top model pour qui il est prêt à tout ; le cadet, au chômage, un peu paumé, commande un livre pour 9.99$ censé instruire sur le sens de la vie. Dans le même immeuble, on trouve également un retraité bavard et solitaire, que personne n’écoute, un petit garçon qui vit avec son père et qui rêve d’un jouet footballeur mais qui ne reçoit qu’une tirelire « pédagogique », un magicien endetté qui ne sait pas appréhender la réalité, et un couple qui se sépare, elle voulant se caser, lui ne pouvant quitter ses habitudes détendues d’étudiant. Autant de personnages attachants – irritants aussi parfois tant ils nous rappellent nos travers et tracas quotidien – qui tous recherchent, plus ou moins consciemment, le sens de leur vie.
C’est alors que les figurines de pâte à modeler prennent toute leur importance et renversent le film dans un surréalisme poétique à l’humour noir et décalé qui ne serait possible qu’avec elles. Le SDF se suicide devant le refus du père et on le retrouve plus tard affublé d’une paire d’ailes, en ange gardien grincheux qui va, malgré lui, changer la vie du vieil homme de l’immeuble. Le fils aîné subira par amour une transformation des plus ahurissantes (que l’on ne révèlera pas au spectateur curieux qui s’empressera d’aller voir ce film surprenant) quand l’étudiant se mettra à faire la fête avec une bande d’alcoolique de 8 cm de haut, que le petit garçon se liera d’amitié avec son cochon au sourire inaltérable et que le fils cadet emmènera son père oublier ses soucis dans une activité plutôt originale…
Bref Le sens de la vie pour 9.99$ offre un beau petit moment de poésie, à l’esthétique splendide, qui nous permet ensuite de retrouver nos petits soucis avec plus de légèreté, un soupçon d’amertume peut-être, mais avant tout un vrai optimisme.

Ana Kaschcett
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