Kore-Eda Hirozaku


A l’écart des mouvements et autres clans qui dirigent le cinéma japonais contemporain, Kore-Eda semble tracer la voie mineure qui est la sienne et l’élargir sans qu’aucun souffle ne vienne vraiment la perturber. Car Kore-Eda, et sa fragile filmographie l’atteste, aime à prendre son temps afin de trouver pour le sujet de ses films, une véritable nécessité.

Reconnu comme celui qui décroche un regard habile et discret sur le monde de l’enfance, Kore-Eda a rencontré, lors de son passage à Cannes, un succès d’estime avec l’enchanteur Nobody Knows (2004). Révélation unilatérale pour le jury et les festivaliers, le film brossait l’abandon de jeunes enfants au cœur d’un intérieur confiné. L’harmonie évasive qui imprégnait la mise en scène ne devait pas non plus faire oublier la tristesse d’une fable traversée par un étrange constat d’esseulement. Inspiré d’un fait divers, Nobody Knows révélait alors les fissures et ce doute existentiel que semble connaître actuellement la société japonaise. Aussi, par ces fragments prélevés dans son existence propre et ceux capturés ailleurs, Kore-Eda dévoile un don d’observation proche de la quête. Ainsi, au sortir de l’université et avant de se ressourcer à la fiction, Kore-Eda s’est donc exercé au cinéma documentaire. Ses documentaires seraient déjà fortement inspirés par un travail sur la mémoire et le deuil. Motifs fondamentaux que le cinéaste reprendra pour son film Maborosi (1995), histoire d’une jeune femme perdue dans ses doutes à la suite du suicide de son conjoint. Suivra ensuite After Life (1998), film méconnu qui, comme son titre l’indique, relate sur le ton optimiste l’histoire d’une rencontre entre les anges et ceux quittant la vie. Kore-Eda revient en 2001 avec Distance et sa fable qui expose l’errance de trois personnages dont les proches se sont tous suicidés lors d’un rituel de secte. Et après Nobody knows, Kore-Eda nous revient avec Still Walking, portrait élargi d’une famille japonaise prise dans ses tourments et ses manigances coupables. Inspiré par Ozu mais surtout Miko Naruse (il cite d’ailleurs Nuages flottants et Le grondement de la montagne), son cinéma révèle la force d’un regard balancé entre harmonie et disharmonie et d’un point de vue bien libéré de ces postures tendances qui agitent ce qu’on appelle la post-modernité.


Romain Genissel

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